CITATION(EBE @ 20 3 2008 - 05:32)
Qu'un acteur demande sur le tournage si il peut changer un peu telle ou telle réplique, pas de problème, après tout, si un acteur sent que le dialogue qu'il doit dire sonnera faux s'il n'est pas un poil changé, autant l'écouter vu qu'il sait certainement de quoi il parle, mais ça doit s'arrêter là.
Sir Alec Guiness (qui avait environ 2500 ans d'expérience de plus qu'un Norton) a fait chier son réalisateur sur le tournage du
Pont de la rivière Kwaï, en refusant de suivre des directives qui lui paraissaient complètement farfelues et en contradiction avec l'histoire et son personnage (c'était chaud; lui et le réa ont fini par communiquer via des assistants). Il a tout de même été obligé, par contrat, à suivre les directives du director.
A la fin de la Première du film, il est venu s'excuser platement auprès du réalisateur. Ayant
vu le film, il a fini par comprendre à quoi rimait ce qu'on lui demandait (et du coup il trouvait ça brillant).
Un acteur joue sa scène. Il n'est pas à l'intérieur de la caméra; il n'est pas à l'intérieur de la console de montage. S'il ferme les yeux, il ne verra pas défiler les centaines d'heures de prise qui ont été tournées dans les semaines précédentes, en les organisant mentalement pour y chercher le meilleur sens de la séquence
(*). Comme tous les membres de l'équipe, il n'a au fond pas la moindre idée de ce à quoi ressemblera le film fini. Parce que ça, c'est précisément le boulot du réalisateur. Le comédien peut, bien évidemment, faire des suggestions. Mais si celles-ci sont refusées, alors il doit se contenter de conclure que le réalisateur sait mieux que lui. Et s'il ne fait pas confiance à son réalisateur ? Ben il avait qu'à y réfléchir le jour où il s'est engagé à tourner sous SA direction.
Bon, maintenant, Norton est producteur du machin. Ce qui lui donne des responsabilités et du pouvoir de décision sur le film final. Si le studio a accepté de lui confier ce poste, c'est à eux d'assumer leur choix après tout. Ils connaissent le personnage. Il a tout de même intenté une action contre un autre studio et auprès du syndicat des scénaristes à l'époque du film
Frida; et on ne peut pas dire que
Le Voile des illusions, sur lequel son pouvoir décisionnaire a beaucoup compté, se soit particulièrement distingué au box-office (il a rapporté péniblement 1/4 de ce qu'il a coûté)
M'est avis que beaucoup vont finir par comprendre que le Ang Lee n'était pas si catastrophique que ça. Et que faire un film sur un gros monsieur tout vert qui ne vire pas au ridicule, ben c'est pas si facile que ça(*) Lean, qui était un peu autiste sur les bords, était capable de décrire ses prises au
photogramme près, plusieurs mois après les avoir tournées - il lui arrivait d'assister sa monteuse au téléphone alors qu'il était à l'autre bout du monde. La monteuse avait les prises (tournées des mois auparavant) qui défilaient sous ses yeux mais elle bloquait parfois sur des difficultés narratives. Et lui, au téléphone, lui sortait des trucs du genre "
retire six photogrammes à la prise 18b, et tu rallonges la prise 24a jusqu'à ce que le perso touche la poignée de porte; tu intercales le plan de réaction sur la jeune femme, et là, normalement, la scène devrait marcher".
1 photogramme = 1/24ème de seconde