
L'histoire: Brésil, années 60. Le gouvernement construit, à la périphérie de Rio de Janairo, des logements sociaux d'aspect rudimentaire, afin de chasser hors de la ville tous les déshérités. C'est dans ce lieu, qui va rapidement se transformer en coupe-gorge aux allures de bidonville, que l'on va suivre le parcours de toute une gallerie de personnages, des gamins pour la plupart, et ce à travers le regard de Fusée, un gosse d'une dizaine d'années. Alors que la plupart des jeunes autour de lui choisissent la voix de la violence pour échapper a leur condition, Fusée, conscient d'etre trop faible pour les imiter, s'efforcera de s'en sortir grace a sa passion, la phototgraphie...



Attention, malgré les apparences, ce film, basée sur une histoire vraie, n'est ni un documentaire, ni un drame social s'attachant à décrire la misere des bidonvilles brésiliens (personnellement, c'est l'idée de voir ce genre de films qui m'a longtemps rebuté a le visionner). On pourrait plutot parler d'une fresque, étalée sur 2 décennies, ou vont s'entrecroiser les destins de plusieurs personnages, dans une succesion d'évenements, certains tragiques, d'autres plus heureux.
Le personnage principal du film, c'est cette favella, ironiquement baptisée la Cité de Dieu. Car Fusée n'est pas à proprement parler le héros du film. Il ne monopolise pas l'écran, mais est plutot une sorte de narrateur omnipotent, un témoin passif dont les paroles accompagnent, en voix off, le récit. En fait, Fusée a plutot tout du anti-héros. De son enfance dans les années 60, à son adolescence dans les années 70, Fusée reste un looser, peureux, fauché et surtout ... puceau, ce qui semble le tracasser plus que toute autre chose! Sa passion pour la photo en est le symbole: il observe, en retrait, mais n'intervient que tres peu. Fusée, en portant un regard lucide sur le monde qui l'entoure, sert donc de liens entre les différents personnages du récit et la foule d'anecdotes qui nous sont contées au sujet de la favella.
Malgré la noirceur de cet environnement, le film réussit l'exploit de multiplier les changements de tons, alternant légerté (certaines séquences carrément "teenage movie") et moments "choc" (le simple fait de voir des enfants d'une dizaine d'années porter des flingues est assez perturbant...). C'est donc là une des grandes forces de ce film, parvenir aussi bien à faire rire, qu'à effrayer ou prendre aux tripes lors de séquences dont la violence témoignent du fait qu une vie humaine ne vaut pas grand chose dans certaines régions du monde...
Dans sa structure, le film adopte un systeme de narration à mi-chemin entre Goodfellas et Reservoir Dogs. Le réalisateur multiplie les allers et retours entre passé et présent, en insérant intelligemment de nombreux flash-back explicatifs, qui permettent d'en savoir un peu plus sur le "background" des différents protagonistes, pour la plupart agés de meme pas 20 ans. Meirelles démontre tout son talent, en réussissant a rattacher tous ces "morceaux de vie" pour en faire un tout cohérent. Ainsi, le film regorge de personnages haut en couleur, plus proches des teenagers de Larry Clark que de American Pie. Le réalisateur dresse une série de portraits saisissants, les acteurs (quasiment tous amateurs) étant bluffant de sincérité et de spontanéité dans leur interprétation sans failles, qui renforce naturellement la crédibilité du tout.
Visuellement, ce film est également un vrai bonheur, grace a une réalisation brillante et inventive mais jamais "clippesque". Le réalisateur insere habilement de nombreux effets (bullet time, split screens, etc...), sans jamais donner l'impression de vouloir faire étalage de son savoir faire (pas comme certains, Requiem for a Dream / Lola rennt /... POWA

En dépit de son sujet, le film n'est jamais moralisateur. L'intention du réalisateur n'est à aucun moment de blamer ceux qui choisissent la voie de la violence pour s'en sortir, meme plutot de décrire les raisons qui incitent a faire ce choix. En revanche, le dénouement peut etre interprété comme une volonté du réalisateur de prouver qu'il n'y a pas de fatalité: si l'environnement dans lequel on grandit influence bien sur la personne que l'on devient, on reste toujours maitre de son destin... Au passage, il en profite quand meme pour souligner le désinteret total d'une police corrompue et de journalistes avides de scoops pour la situation des plus nécessiteux.
Au final, une bonne claque, un croisement entre Kids, Scarface, Goodfellas et Yojimbo, avec pour toile de fond les bidonvilles brésiliens. Et donc un vrai chef d'oeuvre: brillamment réalisé, divertissant, instructif, dérangeant, émouvant -----> 5.5/6


P.S.: j'ai lu un commentaire assez amusant au sujet du film, de la part d'un internanute, qui disait que "City of God est le film que pourrait faire Tarantino s'il lisait The Economist au lieu de comics et s'il voyageait au lieu de rester chez lui a mater des séries B"
