Ca se voit pas spécialement comme ça, là, mais je suis colère, je suis vengeance …
Petit rappel des faits :
L’émergence des mangas et de la japanimation en France se situe à la fin des années 80 / début des années 90. A l’époque, ce mouvement culturel n’est pas reconnu en tant que tel par le grand public, mais est en passe de l’être grâce à la diffusion massive de séries de japanimation dans les émissions jeunesse de
TF1. Les fans et les journalistes spécialisés qui s’enthousiasment depuis quelques années déjà pour cette lame de fond culturelle ont bien compris l’importance capitale de la japanimation. Sentant que le moment est venu pour avancer à visage découvert et pour faire évoluer l’objet de leur culte en phénomène pop culturel majeur, ils font alors le forcing : une sorte de plan de communication spontané et improvisé se met alors en place : les fans font un travail de fond phénoménal pour se mettre au service de leur passion ; les fanzines sont légions et certains (comme
Animeland) sont aujourd’hui des magazines pro incontournables. En tévé, ceux qui seront quelques années plus tard des responsables de collections dans l’édition vidéo ou bédé font leurs premières armes en activant l’importation d’œuvres majeures. Des librairies deviennent des maisons d’éditions d’avant garde (
Tonkam). Les magazines spécialisés (
Mad Movies, L’Ecran Fantastique, Starfix) appuient ces efforts en traitant le sujet avec le sérieux qu’il mérite. Des artistes montent au front et engagent leur notoriété pour donner une légitimité au mouvement (
Moebius & Jodorowsky organisent et présentent à Paris au cinéma
L’Escurial une projection exceptionnelle du film
A K I R A).
Mais tout ces efforts, toute cette passion, tout cet engagement sont complètement effacés par les interventions déplacées, ignorantes et, disons le tout de go, ordurières de la presse généraliste, qui monopolise l’attention du grand public et fait ses gorges chaudes de la japanimation et du manga en la traitant par le biais du sensationnalisme, de la mauvaise foi et du cynisme le plus abject. Quelques œuvres merdiques et non représentatives de la japanimation, tel le médiocre
Urotsukidoji, seront présentées comme la norme et seront l’occasion de présenter les bédés et les dessins animés japonais comme une suite ininterrompue de conneries axées sur le sexe pervers et la violence gore et gratuite. Evidemment, les amateurs sont immédiatement désignés comme des débiles malsains. Le tout a des relents de xénophobie, lorsque les corniauds diffusant ces « opinions » expliquent que les japonais ont pour objectif de corrompre notre belle jeunesse à des fins purement mercantiles. N’importe quoi …
La revue qui exploita de la manière la plus acharnée et la plus cynique ce prétexte minable pour générer de l’audience a été
Télérama. Télérama, à l’époque, a littéralement vomi la japanimation et le manga, et n’a eu de cesse de dénigrer les fans, sans vergogne et surtout sans se soucier une seule seconde d’objectivité ni de déontologie journalistique (les « informations » martelées alors étaient pour la plupart des contre vérités inadmissibles ou des préjugés racistes et crétins).
Aujourd’hui, à l’occasion de la sortie francaise de
Le Château Ambulant, la rédaction de
Télérama fait sa couverture sur
« Miyasaki, le maître du dessin animé » (sic) pour faire vendre sur son nom, se pose en expert de la chose via un (tout petit) dossier japanimation (on croit cauchemarder, surtout quand on nous explique qu’
A K I R A date de 1997 ou que
Perfect Blue est influencé par
David Lynch, c’est
Argento et
de Palma qui doivent doucement rigoler …) et agrémente le tout d’une critique élogieuse du film (voir le petit bonhomme
Télérama faire sous lui pour un film de japanimation n’est pas loin de me donner envie de gerber).
Vu que la japanimation a été pour moi une passion de premier ordre, je souhaite donc affirmer les points suivants :
- Je ne reconnais pas à la rédaction de
Télérama la légitimité nécessaire pour traiter de japanimation ou de manga
- Je ne reconnais pas à la rédaction de
Télérama le droit de changer d’opinion au sujet de la japanimation ou du manga en raison de la mauvaise foi et du cynisme avec lequel elle a traité le sujet il y a 15 ans. Le fait que les journalistes ne soient plus les mêmes de nos jours n’est pas une excuse suffisante à ce retournement de veste inadmissible et incohérent par rapport à la ligne éditoriale de la revue qui, il y a 15 ans, et sans exagérer, a été responsable, au moins partiellement, du retard de l’émergence du mouvement artistique en France ; et a bien failli le tuer.
- Je ne reconnais pas à la rédaction de
Télérama la légitimité nécessaire pour prétendre éduquer son lectorat à propos de la japanimation ou du manga. Le représentant lambda du dit lectorat en connaît d’ailleurs sûrement plus à propos de ce sujet que le premier journaliste de
Télérama venu, soit dit en passant.
Et surtout
- J’attends la réponse à la question suivante, adressée à la rédaction de Télérama :
il y a 15 ans, que faisiez vous quand nous avions besoin de vous ?. Vous vous prétendez didactiques et avant gardistes mais vous n’êtes en fait que des suiveurs éhontés et opportunistes. Honte sur vous.
francesco.