*(euh non rien en fait)
Kobayashi Masaki, Japon, 1964.
L'exemple type du film régulièrement cité au détour d'un topic. Il méritait donc amplement d'avoir le sien propre non? Surtout qu'il est vraiment sublime à tous les points de vue (histoires, décors, acteurs, réalisation...) à un point tel qu'il continue à vous hanter longtemps après sa vision (logique un peu aussi vu qu'il s'agit d'un film de fantômes).
Bien évidemment, les avis tièdes voir négatifs ne sont pas les bienvenus sur ce thread (oui, c'est comme ça, c'est la loi).
Bon, let's talk about un authentique 6/6 movie.
Kwaidan est un film à sketches regroupant quatres histoires surnaturelles baignant dans une atmosphère envoutante. A l'origine, Kwaidant est d'abord un livre publié en 1904 que l'on doit à Koisumi Yakumo, un écrivain japonais de la seconde moitié du XIXe siècle qui avait la particularité d'être né Lafcadio Hearns d'un père irlandais et d'une mère grecque. Ses récits seront sublimés à l'écran 60 ans plus tard par un Kobayashi en état de grâce (il venait de signer 2 ans plus tôt son Harakiri, chef-d'oeuvre à la puissance démesurée lui aussi).
Premier segment du film, La Chevelure Noire met en scène un samouraï qui répudie sa femme afin de faire fortune. Il refait sa vie ailleurs et se remarie mais reste hanté par le souvenir de sa première épouse. Rongé par le remord, il se décide quelques années plus tard à la rejoindre. Pensant la retrouver telle qu'il l'avait laissé (jeune, radieuse, aimante), ce n'est qu'après une nuit passée avec elle qu'il sera confronté à son réveil à la cruelle réalité... Brrrr.
On passe ensuite à La Femme des Neiges. Afin d'échapper à une tempète de neige, deux bûcherons se réfugient dans une cabane. Durant la nuit, ils seront visités par une étrange femme à la paleur extrème et toute de blanc vêtue. Il ne vous échappera pas que l'on retrouve là deux particularités esthétiques propres aux fantômes japonais (ça plus les longs cheveux noirs); ni que le blanc est la couleur du deuil au pays de Sony. Pour en revenir au récit, la mystérieuse dame blanche, après avoir pris la vie du plus âgé des deux bûcherons (sale vieux!) décide d'épargner le petit jeune (bah oui, vaut mieux être jeune, riche, gossebo et con que vieux, pauvre, moche et con) à condition que celui-ci garde à jamais pour lui tout ce qu'il vient de voir. Un mariage, 3 enfants et dix années plus tard, notre survivant n'a rien oublié de cette nuit d'avantage tragique que magique et se décide à tout raconter à son épouse adorée. Mauvaise idée. Très très mauvaise idée... Brrrr.
On continue avec Hoichi, le plus célèbre des 4 segments assurément. L'histoire est celle d'un jeune musicien aveugle, virtuose de la biwa (instrument traditionnel très éloigné de l'accordéon) et des chants contant les hauts faits d'arme de la bataille navale de Dan no Ura qui aura vu s'affronter les clans Hei et Genji en mars 1185. Les fantômes des guerriers dont le sang et les tripes auront noyé l'océan, reviennent hanter le monastère, lieu de résidence d'Hoichi, le priant de venir jouer et chanter pour eux. Ce dernier, ne pouvant techniquement savoir à qui il a affaire accèpte de bon coeur. Heureusement pour lui, un bonze veille et décide de le rendre invisible en le couvrant d'idéogrammes protecteurs afin d'échapper à la mainmise des revenants. Sauf que dans l'urgence, une partie du corps a été oubliée (non ce n'est pas ce que vous croyez), oubli qui ne restera pas sans conséquence... Brrrr.
Dans un Bol de Thé conclue le film sur l'histoire d'un auteur qui raconte la mésaventure de Kannai, un guerrier menacé par un esprit dont l'image lui apparaît d'abord dans une tasse de thé avant de se matérialisé et de venir se confronter à lui. Notre samouraï pense avoir eu raison de lui mais la nuit suivante, ce sont trois nouveaux esprits à qui il aura affaire. Le récit s'arrête brusquement là sur un Kannaï sombrant dans la folie mais pas pour l'auteur... Brrrr.
Quatre récits prenant portés par la plastique superbe de décors extrèmement stylisés combinés à une utilisation audacieuse de la couleur, des éclairage et du son donnant naissance à des plans au souffle onirique puissant aptes à hanter quiconque reste plus de 5 minutes devant le film. On peut parier qu'un mec comme John Milius aura été longtemps hanté par la vision de ce film, lui qui réutilisera la fameuse séquence du corps humain peint dans son Conan le Barbare.
Mais le film ne vaut pas seulement pour ses compositions picturales de ouf mais aussi par la remise en cause de la rigidité morale avec un code de l'honneur qui poussait les hommes à une intransigeance des plus absurde (je pense que ce discours sévère est une constante chez Kobayashi même si je n'ai vu de lui que deux films).
Bon, certains pourront peut-être parler d'un film lent truffé de maniérisme théâtrale et d'interventions symboliques lourdes faits pour séduir le public des festivals (c'est vrai qu'il reçu le prix spécial du jury au festival de Cannes en 65). Peut-être. Reste que 31 ans plus tard, ce classique reste comme un témoignage forgé avec la délicatesse d'une plume de bébé oiseau d'un réalisateur ayant réussi à mettre en place un spectacle merveilleux où la mort et la vie se sont mêlés avec faste le temps d'un film au lyrisme étourdissant apte à combler d'aise toutes celles et ceux qui vénèrent le cinéma qui a une âme.
Pour conclure, quelques images à visionner en s'accompagnant du Avé Maria par Maria Callas (ou de la version dance par Maria Carey pour les moins puristes d'entre vous)...
(Vous ne rêvez pas : je suis bien Zak Vabre et je suis dans votre tasse de café.)
Oui vraiment, l'un des plus beau films de l'univers.