Fasciné par
Shining, j’ai néanmoins toujours compris ceux qui critiquaient le film, pour ses longs intervalles entre ses coups d’éclats fulgurants ou l’opacité de certaines scènes.
Certains parleraient de ‘’faiblesses’’ ou de ‘’défauts’’ récurrents chez Kubrick, d’autres parleraient plutôt de handicaps pour le spectateur à saisir toute la portée de l’œuvre.
Ce problème,
2001 le compensait par l’expérience viscérale de sa mise en scène,
Full Metal Jacket par la brutalité de ses évènements,
Barry Lyndon par la grâce sublime de ses images et
Eyes Wide Shut par l’intrigante anarchie de son évolution. Mais Shining en revanche semblait ne rien avoir pour l’équilibrer. Cela pouvait sans doute s’expliquer par sa nature même de film d’horreur, devant logiquement distiller l’alternance tension / relaxation pour faire monter la peur chez le spectateur, et que donc –avec le recul- un tel projet (mentionné comme : ‘’faire le plus grand film de trouille de l’histoire’’) n’était pas fait pour un artiste comme Kubrick. Un homme qui malgré tout son cynisme et sa misanthropie n’en était pas moins d’une densité et d’un altruisme inadéquats à un objectif –certes noble- mais tellement primaire. D’habitude, on compare Kubrick à ses pères comme Welles, éventuellement Hitchcock. Là il se frottait à ses fils : au Friedkin de
L’Exorciste, au Spielberg des
Dents De La Mer, au Scott d’
Alien. Une certaine idée de régression au niveau de l’évolution de carrière qui semblait dés le départ rendre cette entreprise caduque et inutile. (Mais lui qui avait accompli les ambitions les plus folles jusque là ne se devait-il pas d’essayer cette gageure ? Le thème principal du film n’est-il d’ailleurs pas le complexe de Cronos d’un père voulant tuer son fils ? 30 ans plus tard les Spielberg, Scott et cie à leur tour papys ne continuent-ils pas d’emballer des blockbusters qui en remontrent aux petits jeunes qui montent ?) Je pense que c’est tout cela qui malgré la reconnaissance unanime des qualités monumentales du film, conduit beaucoup de monde à le considérer comme le grand ratage artistique de Kubrick, le film où il a échoué à ses intentions.
M’en désintéressant un peu pour me focaliser sur les sources de mon admiration pour
Shining, j’ai néanmoins longtemps accepté cette idée, qui poussait ainsi moult spectateurs à condamner le film (‘’C’est chiant.’’ ‘’C’est vide.’’ ‘’Tout ça pour ça.’’ ‘’Je dors.’’ etc…).
Mais ça n’est plus le cas.
J’ai récemment eu la chance de me faire ouvrir grand les yeux (sans mauvais jeu de mots) sur le sujet beaucoup plus vaste que traite le film au travers de la haine de Jack pour Danny. J’ai eu la chance de lire cette étude :
http://www.collativelearning.com/the%20shining.htmlqui décode une intention capitale de Kubrick dans le film, et que malgré des éléments évidents (presque tarte à la crème) je n’avais jamais compris.
A ses lumières (là encore sans mauvais jeu de mots),
Shining gagne vraiment une portée monumentale et fait plus que jamais corps avec le reste de l’œuvre de Kubrick, surtout entre son prédécesseur
Barry Lyndon (vieille Europe décadente) et son successeur
Full Metal Jacket (l’arrogante Amérique embourbée au Vietnam). Vous vous souvenez peut être de l'article de Impact qui mettait en avant un jeu de correspondance dans la filmographie de Kubrick, une similitude entre la forme (illusoire) d'un film et le fond (authentique) du film qui le suit ? Et bien quelque part cette étude met à jour le même type d'analogie...
Je ne vous détaille pas l’article en lui même, je préfère vous inviter à le lire, et j’espère que vous trouverez cela aussi passionnant que moi. L’article est en anglais, mais le texte est également présent en version audio, illustré par des extraits vidéo du film. Cela pourra vous aider si vous avez un peu de mal dans la langue de Shakespeare ou si vous êtes paresseux à l’idée de tout lire. (A mon avis, plus facile et plus merveilleux, c’est pas possible : si vous passez à coté, c’est vraiment que vous êtes pas motivé.)
Sinon, le site propose (entre autres choses) d’autres analyses présentées de la même manière. Une indispensable : celle sur
2001, qui traite surtout du vrai sens du monolithe (un madnaute dans les pages précédentes a évoqué une interprétation similaire, mais l’article creuse vraiment le sujet) et qui vous laissera sur le cul peut être encore plus que celle de
Shining. A signaler aussi une sur
L’Exorciste assez intéressante, même si elle ne m’a pas convaincu à 100%, également une sur
Psychose qui envoie se rhabiller ceux qui pensaient que depuis près de 50 ans tout avait été dit sur ce film, et aussi une sur
Alien, simpliste dans son postulat mais très fouillée dans sa démonstration, et qui personnellement m’a fait comprendre intuitivement pourquoi Scott était un candidat intéressant pour réaliser la suite du
Silence Des Agneaux. (Maintenant, est-ce que
Hannibal est réussi, ça c’est autre chose…)
L’adresse de la page principale :
http://www.collativelearning.com/Bonne(s) lecture(s)
P.S. : je n'avais jamais vu mention de ce site dans le forum Mad, mais si cela a déjà été le cas, pardon pour la redite...