Après des plombes, je repointe le bout de mon nez.
Difficile de bouder son plaisir devant le spectacle décomplexé et fendard qu'est Hot Fuzz. Fun, gore, référentiel et volontairement con. C'est cependant quant à ce dernier qualitatif que le bas blesse un rien. Aussi vais-je jouer mon pisse-vinaigre et mettre mon enthousiasme (pourtant de mise) de côté.
Shaun of the Dead parvenait à un parfait mélange des styles, déstabilisant et dès lors jouissif, ce qui réhaussait littéralement le genre là où on était en droit d'attendre juste une comédie bien fendarde: les gags faisaient mouches, l'horreur vous prenait par surprise et, cerise sur le gâteau, l'émotion était palpable grâce à la formidable sympathie des personnages. On pense inévitablement à la réussite de la scène pourtant casse-gueule du matricide.
Hot Fuzz, peut-être parce qu'il fait référence à un genre moins défini (entre thriller, whodunit, horreur et buddy movie) ne parvient jamais totalement à décoller du registre de la parodie. Certes, on rit. Même beaucoup. Même aux larmes. Mais le scénario étant beaucoup plus branque et acadabrant, frôlant constamment le grotesque (surtout dans sa dernière demi-heure), les tentatives de réitérer l'exploit trans-genre de Shaun provoquent inévitablement le même réflèxe que les autres scènes: elles font rire. Qu'il s'agisse de l'amitié naissante entre Pegg et Frost (touchante et réelle dans Shaun ; soulignant volontairement des accents sous-jacents d'homosexualité "pour de rire" ici) , des apparitions du tueur ou des révélations successives, le film nous fait se bidonner tant il est volontairement énorme. Dès lors, si l'on passe un excellent moment devant ce film, celui-ci se révèle moins définitif que son prédécesseur. Pour exemple, je prendrais le retour du héros dans la dernière demi-heure, très "High Noon", mais dont l'aspect Western ne décolle jamais vraiment tant il est impossible de ne pas se bidonner devant ses opposants (je vous laisse la surprise). L'hommage est drôle, c'est sûr, mais il n'est pas transcendé comme il avait pû l'être auparavant. De plus, Ed Wright pêche souvent par excès dans sa mise en scène, réitérant les flashes (visuels et sonores) qui parasitaient Shaun par endroit. Seul souci: ici, on y a droit toutes les 15 minutes minimum et l'effet est très vite saoûlant, ruinant la fluidité de l'ensemble plutôt que lui ajouter un rythme visuel fluide (faut dire: l'interview dans Mad où il avoue adorer Tony Scott m'avait fait craindre le pire). De même, si le duo s'est révélé très habile de par le passé pour l'écriture de scénario selon le concept du "point in - point out" (càd où chaque élément introduit à un moment doit ressurgir par la suite, clôturant ainsi son rôle au sein du scénario), il en use et abuse ici, sans doute par excès de confiance ; le problème étant que les ficelles s'en ressentent d'autant plus, surtout greffées au monument de portnawak fun qu'est l'histoire de "Hot Fuzz". Certains de ces éléments fonctionnent pourtant à merveille (le cygne - et sa conclusion hilarante, la mine, le mime, etc.). Mais ils sont si appuyés qu'on les attends au tournant, ruinant à nouveau un peu plus l'impression de fluidité de l'histoire. Quelque part, on pourrait dire que le passé télévisé du duo (voire du trio) se ressent plus au travers de leur deuxième film, là où le premier était un parfait passage du petit au grand écran. ici, le souci du gag ou de l'effet l'emporte parfoit sur celui de la cohésion.
Bon, rassurez-vous, je vous balance tout ceci pour tempérer un brin les attentes (la mienne était très grande): Hot Fuzz reste un pur divertissement haut-de-gamme, qui transforme la campagne anglaise en champ de tir pour notre plus grand plaisir. Peut-être que les fans hard-core du american cop façon Dirty Harry en seront pour leur grade, dans le sens où le film propose une alternative plutôt positive au rôle du flic (et bien plus british): celui de la proximité et de la protection de la population, et tout cela en faisant justement du terme "fasciste" un élément du film. Au final le flic en sort grandi et humain (il ne tue réellement personne, hé non! - mais rassurez-vous; il blesse beaucoup et salement
), là où son opposant se trouve être le véritable fasciste. Un traitement du genre (le film policier hard boiled) et un propos sous-jacent qui peut surprendre, mais qui fait du bien face au nombre de bouses américaines du même genre qui brandissent en héros des mecs qui défouraillent et dézinguent des drogués et autres "mauvaises graines" à tout va. Dans "Hot Fuzz", c'est même plutôt l'inverse qui se produit, faisant peut-être malgré lui une certaine critique du film policier.
J'arrête là, où je risque de spoiler. On en reparle quand vous l'aurez vu.