Quelques descriptions de bases qui peuvent servir:
Montage
Règles de baseEnchaînements créant un effet d’emboîtement de l’espace et du temps.
Pour créer un continuum visuel, quelques règles essentielles ont été élaborées même si elles ont bien souvent été perverties.
Règle des 30° : lorsque l’axe varie sur le même sujet/objet, il faut un minimum de 30° entre chaque axe de prise de vue pour rendre autonome chaque plan et ne pas donner l’impression d’un jump-cut. On peut ajouter que cette variation doit se situer entre 30° et 60°. Ces changements d’angle, outre la variation du point de vue, présentent aussi l’intérêt de révéler une part du hors-champ ou de faire disparaître une partie du champ. La tension ainsi créée aux bords du cadre peut être intéressante (cf Straub-Huillet).
Champ-contrechamp : il inclut la règle des 180° c’est-à-dire celle d’un axe virtuel dans l’espace à ne pas franchir par la caméra pour garder une cohérence. Ainsi, pour restituer la position de deux personnages (face à face par ex.) et donner l’impression qu’ils se regardent, la caméra est toujours placée du même côté de l’axe virtuel défini par ces personnages dans l’espace.
Raccord dans l’axe avant ou arrière : la caméra, en restant sur le même axe par rapport au sujet ou à l’objet visé, s’est approchée ou éloignée au plan suivant (une différence de deux valeurs dans l’échelle de plan est recommandée pour éviter l’impression d’un recadrage maladroit).
Ceci permet par ex. d’entrer progressivement dans un espace et de pointer quelque chose dans l’espace ou inversement de sortir progressivement d’un espace. Les raccords dans l’axe successifs peuvent avoir une utilisation rythmique ou créer un effet de montage (cf. De Palma, notamment Carrie).
Raccords(éléments visuels ou sonores sur lesquels s’articulent les changements de plans)
Ces éléments sont de part et d’autre de la coupe :Enchaînements jouant sur la ressemblance, la répétition, la complémentarité mais aussi l’opposition.
Éléments visuelsOn peut distinguer les raccords statiques des raccords dynamiques.
Raccord de position : substitution d’un personnage ou d’un élément du champ à un autre à la même position, sachant que l’échelle peut plus ou moins varier. Ce raccord est bien sûr plus évident si l’échelle et la distance avec l’objet ou le sujet en question sont identiques.
Raccord objet : même principe de substitution d’un objet ressemblant par la forme, la taille, la couleur, la fonction, etc.
Gros plan intermédiaire : avant une ellipse, un gros plan sur un objet ou un sujet peut être articulé au plan suivant par un raccord dans l’axe avant (après l’ellipse, raccord dans l’axe arrière). Il peut aussi être le point de départ ou le point d’arrivée d’un mouvement de caméra (recul, avancée, déplacement latéral ou erratique). Ce resserrement du champ permet aussi de sortir d’un espace ou d’entrer progressivement dans un autre. En insistant sur un élément, il peut aussi permettre d’identifier rapidement le nouvel espace (s’il est situé après l’ellipse) ou au contraire sera appelé gros plan interm. à appréhension ou identification retardée s’il y a un léger flottement au moment de la coupe. On peut avoir deux gros plans intermédiaires à la fin d’un plan et au début du suivant, pouvant réaliser un raccord objet.
Raccord plastique et graphique : En lisant la composition du champ en termes de lignes, de masses, de couleurs… on peut faire jouer des parentés ou des oppositions de lignes (les horizontales aux verticales, les diagonales entre elles et autres combinaisons), des masses (selon la stratification, l’étagement des éléments dans la profondeur de champ), des couleurs, des ombres et des lumières, etc. exemple:
Herbe Flottante d'Ozu
Raccord de regard : le regard appelle le hors-champ, a le pouvoir de convoquer l’objet ou le sujet supposé de la vision (qu’il soit réel, imaginé, rêvé, remémoré ou projeté) mais aussi « n’importe quel autre » plan, avec plus ou moins d’effet.
Raccord de mouvement ou de geste : un même mouvement ou un même geste est répété par le même personnage ou le même mobile ou par un autre que ce soit dans le même espace (mais un autre temps) ou un autre espace (avec simultanéité) ou encore dans un autre espace-temps.
Raccord dans le mouvement : ici, pas de répétition comme précédemment, la coupe intervient dans le déroulement d’un même mouvement considéré comme une petite unité de temps (ex : passer une porte).
Raccord de direction : pour donner l’impression d’un parcours vectorisé et cohérent, lorsqu’un mobile traverse le champ de gauche à droite, par ex., et en sort par la droite, il entrera par la gauche au plan suivant ou inversement. Cela est valable pour les quatre directions (G, D, H,
et les diagonales.
R
accord de mouvement de caméra : répétition d’un même mouvement de caméra (pano ou trav.) par ex. pour associer, comparer ou opposer deux sujets.
Raccord par filage : un plan se termine par un filé (pano ou trav. rapide) et donne l’impression que la caméra « va chercher » le plan suivant par un balayage de l’espace. La coupe est dissimulée au cœur de ce mouvement accéléré qui réduit le champ à des formes abstraites. exemple:
L'aigle des Mers, lorsque la fille lance la balle vers le capitaine
Éléments sonores
Raccord de dialogue : répétition de mots ; phrase laissée en suspens donnant l’impression d’être plus ou moins complétée/poursuivie par un autre personnage après la coupe malgré l’ellipse. ; jeu de question/réponse.
Raccord de bruit : substitution d’un son à un autre associé par leur nature et leur qualité (hauteur, volume, timbre…). Selon l’effet recherché, bruits et voix peuvent être raccordés (une cri à une sirène de bateau comme dans Quai des brumes, M. Carné, 1938).
Raccord de musique : bref motif musical répété de part et d’autre de la coupe (le tempo ou l’orchestration pouvant varier).
Liaison articulée « par-dessus » la coupe et non de part et d’autre
Éléments visuels/effets ou trucages optiquesFondu et ouverture au noir ou au blanc utilisés séparément ou l’un après l’autre.
Fondu au noir mis en scène ou volet naturel : obstruction du champ introduite par un mouvement dans le champ ou par un mouvement de caméra permettant la coupe.
Raccord von Bolvary : sorte de volet naturel (cf. La Corde de Hitchcock ou Faces et Shadows de Cassavetes) où le mouvement d’un corps vers l’objectif ou celui de la caméra vers un corps obstrue le champ à la fin du premier plan et le « rouvre » au début du plan suivant.
Fondu enchaîné plus ou moins long. Ce qui apparaît au cours de la surimpression peut être signifiant.
Volets de formes variables : une image en chasse une autre latéralement, verticalement, en diagonale ou une image se substitue à une autre en apparaissant par fragments de formes diverses ou par incrustation.
Éléments sonoresLa musique est un « passe-muraille » (M. Chion), elle permet de passer par-dessus la coupe visuelle, en la gommant mais aussi en pouvant y insister.
La voix off fait de même.
Le fondu sonore est l’équivalent sonore du fondu enchaîné.
Structure de montageMontage alternéLes plans de deux (ou plusieurs) actions, situations appartiennent à des espaces différents avec simultanéité temporelle ou à des espaces-temps différents dont on peut apprécier les ellipses par les repères spatio-temporels indiqués par la narration. L’articulation entre chaque situation peut être travaillée par différents raccords ou au contraire jouer sur la déconnexion, le flottement. Ce type de structure se solde par une « résolution narrative », un point de rencontre des deux situations montrées en alternance.
Montage parallèleIci, on ne peut pas vraiment parler de « résolution » puisque les liens spatio-temporels entre les situations montées en alternance ne sont pas définissables selon les repères donnés. Ce type de montage relève alors plus du discours.
Montage des attractions
C’est dans son sens courant, celui du music-hall ou du cirque, que le terme a été utilisé par S.M. Eisenstein dans sa théorie du montage des attractions, d’abord au théâtre, puis au cinéma. Le montage passe, de façon délibérément heurtée, d’une attraction à une autre, c’est-à-dire d’un moment fort et spectaculaire, relativement autonome, à un autre, au lieu de rechercher la fluidité et la continuité narrative (La Grève, le massacre des grévistes dramatisé par les plans d’abattoirs ; Octobre : Kerenski associé à un paon.) La juxtaposition de ces éléments hétérogènes peut jouer sur la discontinuité et la rupture ou travailler l’association par certains raccords (plastiques, mouvement…)