Et non, ça ne s'invente pas. C'est bien le chevalier Blanc!
L’histoire : La Guerre de Sécession, l’assassinat de Lincoln et la reconstruction du Sud, vu au travers de 2 familles divisés par le conflit, les Cameron et les Stoneman…
Ah ! Si vous pensiez que 300 et ses Spartiates aryens, sa horde de Perses aux grosses moustaches, ses têtes qui volent, ses homosexuels, ses musulmans qui prient, son sous texte politique et ses ralentis (très important les ralentis) étaient ce qui se pouvait se faire de pire dans l’idéologie nauséabonde au service d’un blockbuster de 200 millions $*, c’est oublier qu’en 1915 un certain D.W. Griffith réalisa une superproduction du nom de Birth Of A Nation, qui s’avérera à bien des égards une œuvre sans précédent dans l’histoire du cinéma. Dans le désert d’ambition cinématographique de l’époque, le film de Griffith s’imposait comme une véritable référence en la matière, énorme succès public (15 millions $ de recettes) d’une durée avoisinant les 3 heures et au confortable budget de 100 000 $. Mais plus que ces chiffres qui ne font désormais tourner plus aucune tête, Birth Of A Nation révolutionna le cinéma d’alors de par son filmage, son esthétisme, ses centaines de figurants et le soin tout particulier apporté à la reconstitution historique des faits, notamment au travers du gigantisme des batailles évoquant la Guerre De Sécession. Le film de Griffith se divise d’ailleurs en 2 parties bien distinctes : une s’appuyant donc en grande partie sur la reconstitution historique, (la bataille de Petersburg, mais aussi l’assassinat d’Abraham Lincoln) et une autre narrant la reconstruction du Sud, celle où Griffith laisse délibérément cours à sa haine anti-Noir, d’autant que le scénario est en parti basé sur les écrits racistes du livre du pasteur Thomas Dixon : The Clansman (aka L’homme du Clan, référence directe au KKK, pour les 2 du fond qui ne suivraient pas).
En 1915, les clichés avaient déjà la dent dure au cinéma
Peu avare en explication sur ses positions idéologiques, le film de Griffith débute par cet intertitre : "The bringing of the African to America planted the first seed of disunion". Si la vision des premières 90 mn du film s’avéreront moins explicite que les suivantes quant aux motivations de Griffith, il n’en demeure pas moins que cette petite note d’intention n’aura pas démérité à planter le décor vis à vis du spectateur non-averti. Malgré le fait que cette partie de Birth Of A Nation tente par moment de dénoncer l’absurdité de la guerre (nous sommes au début du conflit qui éclate en Europe et ce film survient 50 ans après les faits historiques qu’il relate), Griffith , comme un prélude à son message pro-aryen, s’enorgueillit de filmer une armée Nordiste composée majoritairement de Noirs (en fait seul leur chef est Blanc – ben oui, faut pas déconner !) mettre à feu et à sang une petite bourgade du Sud. Et dans sa représentation de l’homme Noir, Griffith n’oublie pas de nous les montrer souvent le dos courbé, sautillant dans les tous les sens et peu disciplinés (Charles Trenet a dû adorer !). Mais à dire vrai, tout ceci n’est rien comparer à la puissance évocatrice des images et des faits - tels que le conçoit Griffith dans l’histoire - dans la seconde partie du film, celle intervenant à la mort d’Abraham Lincoln. Prétendant toujours s’appuyer sur des faits historiques au détour de quelques intertitres mentionnant le Président Woodrow Wilson (on a les références qu’on mérite), Griffith n’hésitera pas – au profit de sa propagande raciste – à détourner purement et simplement l’histoire en affirmant que les Noirs avaient des velléités de pouvoir – via le personnage de Silas Lynch - et qu’ils ont asservis la population Blanche, les empêchant notamment de voter ! Et dans son acharnement à démontrer que le Sud était livré à des primitifs menaçants et violeurs, Griffith s’emploie à filmer les Noirs siégeant au Parlement, indisciplinés, ivrognes, les pieds sur les tables, croquant à pleines dents du poulet (KFC perpétuera d’ailleurs la légende). Une 2ème partie riche en préjugés anti-Noirs, évoquant aussi bien la naissance du KKK (et il faut voir de quelle manière, c’est proprement hallucinant) que le fait que le métissage soit un danger pour la race Blanche (le personnage de Silas Lynch – celui qui tente donc de s’approprier le pouvoir – est un mulâtre). Un des préceptes majeur de l’idéologie du Klan, d’ailleurs.
Pour bien faire peur, grimer un Blanc en Noir et sachez utiliser l'arrière-plan...
Birth Of A Nation aura donc été le film de tous les excès. Celui qui aura sans nul doute bâti les fondations du cinéma Hollywoodien de par ses moyens développés, ses techniques filmiques révolutionnaires (fondu enchainé, gros plans, plans d’ensembles, techniques de montage…), mais aussi parce qu’il aura sûrement conditionné l’image des Noirs au cinéma (et après tout, de ses autres minorités aussi) et encore plus l'esprit de celui des spectateurs. C’est une discussion que j’ai souvent eu avec les gens ayant vu Birth Of A Nation, et il ressort que ce film étant une œuvre pionnière - prétendant en plus ne s’appuyer que sur des faits historiques – il aura sans nul doute causé d’immenses dégâts, accentuant le fossé entre Blancs et Noirs d’Amérique. De plus, il ne faut pas oublier que le succès du film aura provoqué la résurrection du KKK. Rien que ça.
Le cinéma, ça fait peur parfois…
Il faut bien l'avouer, les batailles sont superbes
Pour sûr que les Noirs s'expriment mal!
On dirait du Romero
Mais la cavalerie, tout de blanc vêtu, arrive toujours à temps!
* Je ne crois pas un traître mot de ce que je viens d'écrire, mais ça me parassait une belle entrée en matière pour débuter ce texte