CITATION(Flying Totoro @ 16 6 2007 - 14:41)
*En fait ce topic est fait pour appater un plus gros poisson qui vit dans les eaux troubles des caves du Vatican et qui mord facilement à l'hameçon des gros films méconnus de cinéastes majeurs. L'appat étant bien posé en évidence, retirons nous et observons si l'animal nous pond un de ses pavés très interessants de 5 feuillets...
J'avais vu l'hameçon traîner dans ma rivière, mais comme dans tout bon conte des tribus de chasseurs et pêcheurs, j'attendais que le propriétaire du piège fasse une invocation explicite et demande "
O Dieu poisson, daigneras-tu mordre à mon hameçon ?"
Et comme en plus je suis une grosse flemmasse, je me contenterais d'un vulgaire copier-coller,
quand bien même ce film, truffé amha de vrai classicisme (tu découvres une séquence, t'as l'impression qu'elle est à l'origine de toutes les séquences similaires que t'as vues dans ta vie) mériterait de plus amples développements.
CITATION
Grande saga familiale étalée sur près de cinquante ans d’histoire des USA, Romance américaine suit chronologiquement les pas d’un immigrant d’Europe de l’Est (Brian Donlevy), débarquant sans le sou à New York et aussitôt rebaptisé Steve Dangos par les autorités. Intelligent, travailleur, curieux et persévérant, cet homme épris d’indépendance va patiemment gravir les échelons du « rêve américain », de l’ouvrier de base au directeur d’entreprise automobile.
Vidor et ses scénaristes, William Ludwig et Herbert Dalmas, se servent habilement de cette mobilité sociale et des différents jobs de Dangos pour parcourir le trajet de l’acier (extraction du minerai, raffinement, laminoir, pièces détachées et enfin véhicules). Débarrassé de toute fausse subtilité, le récit est d’une rigueur et d’une clarté exemplaire (Dangos rencontre une femme, la désire, l’épouse. Point.) et permet de dessiner à travers ses personnages archétypaux plusieurs couches thématiques et discours complexes sur l’Amérique, ses mythes, sa culture, ses contradictions. Steve Dangos s’y révèle le parfait alter ego sublimé du réalisateur, un self-made-man épris d’indépendance, fasciné par la technologie, attaché plus que de raison aux valeurs fondamentales de son pays d’accueil, inquiet voire défiant face à toute forme de corporatisme (magnifique scène de confrontation entre le père directeur d’entreprise et son fils à la tête d’un jeune syndicat).
Romance américaine mêle admirablement la chronique, le sens épique, le drame humain, le plaidoyer et le documentaire, en usant d’un technicolor tout bonnement sublime qui ‘met en musique’ notre voyage à travers l’histoire du pays et marque définitivement notre rétine. « Il était naturel que je pense à raconter l’histoire de l’Amérique en couleurs, admet Vidor. Pour les scènes de la mine de Mesabi, je savais déjà que nous nous limiterions aux couleurs de la terre : brun, rouge, indien, noir, gris foncé et vert foncé. Il faudrait à tout prix éviter un ciel bleu clair. Le ciel bleu viendrait plus tard avec le gris-bleu des avions et les tons jaune citron et orange brillant de la Californie, qui seraient utilisés pour créer un crescendo à la fin du film. » Ce point culminant du récit, qui voit les bombardiers sortir des usines, renvoie avec ferveur, tout comme Notre pain quotidien, au montage de l’école soviétique. La partition de Louis Gruenberg va même jusqu’à emprunter ses accords au ‘Stalingrad’ de Dmitri Shostakovich, dans un élan héroïque propre à convertir le plus pacifiste des spectateurs. Et une fois de plus, cet emprunt aux soviétiques se fait pour servir un discours en tous points libéral, à la gloire du capital et de la libre entreprise.
A la première du film, Louis B. Mayer s’écrie « Je viens de voir le plus grand film que notre société ait jamais fait. ». La critique semble également enthousiaste, les quelques spectateurs ‘normaux’ invités aux premières applaudissent l’œuvre d’une durée alors rare de 2h15. King Vidor flotte sur un nuage lorsqu’un couperet s’abat soudain et qu’il apprend que, sur ordre du bureau new-yorkais, une demi-heure du film a été retirée pour satisfaire les exploitants et leur permettre de caser une séance de plus par jour. Bien sûr, les coupes ont été faites sans consulter le réalisateur. Plutôt que de tailler dans les multiples scènes d’usine à caractère documentaire, les charcutiers new-yorkais ont préféré s’en prendre aux scènes de dialogue pour ne pas avoir à refaire la bande-son. Ainsi, la vie de la famille Dangos devient plus qu’elliptique (on n’entend jamais parler sa plus grande fille ; certains seconds rôles ont totalement disparu) et rend du coup opaque plusieurs de ses actions et évolutions de caractère.
Vidor n’en revient pas : « J’étais atterré, découragé, plus déprimé que je ne l’avais jamais été depuis mon arrivée à Hollywood. J’allais à mon bureau, emballai mes livres, mes papiers, mes scénarios, mes photos et quittai le studio. »