La critique des médias, et plus particulièrement de la télévision, à l'intérieur de la télévision même, semble condamnée à l'échec. Les enjeux sont trop importants. C'est comme si l'on faisait rentrer des magistrats civils dans un tribunal militaire, en leur permettant de juger les actions armées d'après le code civil et pénal.
Les émission de télé qui ont tenté cette critique n'ont généralement duré que quelques épisodes. Et
Arrêt sur image ne fait pas exception.
Les toutes premières émissions donnaient des clés, expliquaient le système et les effets du montage, décortiquaient la préparation d'un plateau TV, la constitution d'un générique etc. Très vite, celà a été remanié pour devenir une critique plus littéraire de la télévision, équivalent image de ce que l'on trouve déjà dans la presse. On ne décortiquait plus un système de montage mais une image, on n'auscultait plus l'habillage graphique mais les mots qui étaient employés. Le ton était devenu plus léger, plus proche de la chronique que de la critique (j'aime bien ceci dit, mais c'est très loin des ambitions affichées). Le seul à rappeler de loin les ambitions premières de l'émission, c'était le chroniqueur Sébastien Bohler, spécialiste du cerveau, simplement parce qu'il est impensable de prétendre critiquer aujourd'hui la TV sans passer par la neurologie (voici le genre d'
entreprise sur lesquelles se reposent les patrons de chaîne actuels - et voici une brève
définition de leur expertise)
Beaucoup l'ignorent j'imagine, mais à ses tout débuts, l'émission
Culture Pub s'appelait
Ondes de choc, et elle se voulait au départ une critique des médias. Rebaptisée
Culture Pub et diffusée tard dans la nuit (parfois après minuit dans mon souvenir) elle se concentrait sur un spot de pub particulier et en décortiquait pièce par pièce tous les composants (lignes de force, rythmique, choix des mots, lettrages, symbolique sexuelle au sens psychanalytique du terme etc.).
Pour les annonceurs c'était une hérésie : tu ne peux pas d'un côté encaisser leur argent et diffuser leurs spots, et de l'autre expliquer clairement au spectateur comment il s'est fait baiser par ce même spot, qu'en fait il n'a pas du tout le désir d'acheter cette bagnole mais inconsciemment le désir de tuer son voisin de palier, et qu'on vient de stimuler son cerveau de macaque en plaquant une image de bagnole sur son désir inconscient et asocial.
Résultat, ça n'a duré que le temps de quelques épisodes, et
Culture Pub est devenu ce que l'on connait tous : une vitrine de la pub internationale présentée comme une succession de jolis court-métrages rigolos et inoffensifs.
La critique de la télé à la télé ? Non je n'y crois pas.
C'est à l'école qu'elle devrait se faire, non pas sous forme de "critique" mais sous forme d'apprentissage de la grammaire filmique et télévisuelle, pour que le futur adulte soit un minimum armé face à ce flot ininterrompu de signaux et d'ordres (en attendant de trouver où John Carpenter a pécho ses les lunettes de soleil)
Ceci dit,
Arrêt sur image était agréable à mater, et c'est dommage cette affaire.