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Version complète : Edward aux mains d'argent - Tim Burton
Mad Movies > Forums Discussions > Cinéma Fantastique
venom-man
Apparemment il n'existe pas de topic sur ce film donc je me lance ...


La bande-annonce

Edward est la création d'un savant génial. Il ne possède pas de vraies mains,
mais des lames très tranchantes à la plaçe des doigts. Il peut réaliser avec
ses instruments de véritables oeuvres d'art, qui vont provoquer la curiosité et
l'enthousiasme de toute la ville. Mais il est capable de blesser et de faire mal
quand il ne se controle plus ...




Dans le role d'Edward, Johnny Depp s'empare du personnage avec une sincérité émouvante voir amusante parfois,
nous guidant à travers ce monde proche du notre avec ces humains portant un regard curieux, blessant voir cruel sur
un etre different, trop gentil, voulant apporté de l'aide mais qui en retour crée des ennuis malgré lui au point de devoir
s'effacer de la société ...

Mais ça nous, on peut pas et c'est bien pour cela que ce film est beau. 6/6
Green eyes
Vu une fois et bien apprécié.
Faudrait que je le revoies.
profondo rosso
A la fois un magnifique conte moderne, un des film les plus personnel de Burton avec sa description peu ragoutante de ses petites banlieues pavillonaire qu'ils connait bien, reflexion sur sa propre situation de freaks à travers le personnage d'Edward pas à sa place mais qui aimerait tant être normal. Johnny Depp dans un de ses très grands rôle (look bien inspiré de Robert Smith Tim Burton est fan) et on a tous dû tomber amoureux de winona Ryder à l'époque. Et puis la pluie de flocons sur Winona Ryder dansant lorsque Edward taille une figure sur la musique celeste de Elfman si c'est pas la plus belle scène filmée par Burton et une des plus belle des années 990... Ca me donne envie de le revoir direct là.
Moogly25
Un conte moderne, noir comme on les aime chez Burton.

Imaginez la venue d'un fils de Frankenstein, équipé comme un tueur d'Argento mais timide et naïf qui débarquerait dans
Desperate Housewives. Le tout dans une musique digne des plus beaux morceaux de noël.

Depp dans le rôle typique qui lui convient, Winona jamais aussi interressante que dans ce personnage (exception faite de Alien : La résurrection peut-être), un salaud joué par notre Johnny Smith de la série Dead Zone...
L'archiviste
Vu le jour de sa sortie dans une grande salle à Montparnasse.
10 personnes à tout casser dry.gif

J'ai jamais vraiment compris ce qui s'était passé avec ce film. Malgré sa grosse plantade aux USA, il y avait tout de même eu un gros effort d'affichage en France (pour un faible nombre de copies), mais les réactions des gens au look intrigant du perso allaient du "pfff... n'importe quoi" à "atta'... c'est pas l'minet débile de 21 jump street là ?". Difficile, si ce n'est impossible, de convaincre l'entourage d'aller voir le truc, y compris ceux qui avaient pourtant adoré Beetlejuice. Mais aucune raison particulière (en tous cas aucue raison exprimée) qui motive ce refus catégorique.
Et puis 1 an et demi - 2 ans plus tard, comme ça sans prévenir, tout le monde se réveille et m'emprunte la k7 à tour de rôle. Un des potes, en me la rendant, se permet même de me reprocher de ne pas avoir été "assez insistant" pour qu'il aille le voir en salle blink.gif Et du jour au lendemain, le film passe du statut de "gaudriole hollywoodienne qui nous prend pour des cons avec son mec, là, et ses ciseaux à la place des mains" à "monument de poésie cinématographique". C'est franchement bizarre de voir à quel point il semble y avoir de "mauvaises périodes" de sortie pour certains films.
contagion
Plus qu'un an à tirer avant la réhabilitation glorieuse de Joyeux Petons, hauts les coeurs!
L'archiviste
Ben tu vois, à la rigueur, pour Joyeux Petons, je comprenais les raisons du refus vu que les gens ont clairement exprimé ce que le film semblait être à leurs yeux et pourquoi ils n'y allaient pas

(et quand ils découvrent ensuite le DVD, c'est leur propre tête qu'ils cognent contre le mur en se traitant de con; ils ne te reprochent rien) icon_mrgreen.gif
Le Toursiveu
Bonjour les Madnautes.
Pour ceux que ce genre de choses intéressent, voici dans son intégralité un papier rédigé par mes soins pour un cours intitulé "Structures diversifiées et fondamentales du récit" donné à Bruxelles en 2003 dans la section cinéma (ELICIT) de l'ULB de Bruxelles. Mon professeur était Jacqueline Aubenas (par ailleurs maman de Florence). Le but du travail était de mettre en relation le film de Tim Burton avec le système de Propp, étudiant la structure et les composantes du conte de fée.

Bonne lecture!



Le conte ou la fable –
Analyse du film Edward Scissorhands

(1990, de Tim Burton )


Introduction : Tim Burton, un freak à Hollywood.


Né le 25 Août 58 à Burbank en Californie, Tim Burton se passionne dès son plus jeune âge pour le cinéma et tout particulièrement pour le cinéma fantastique, pour les films à grand spectacle dont les effets spéciaux le fascinent et pour les nombreuses séries B ou Z qui sont tournées régulièrement dans sa Californie natale. Ses idoles : l’acteur phare du fantastique des années 60, Vincent Price, à qui il ne manquera pas de rendre hommage à diverses reprises dans sa carrière et le célèbre Ray Harryhausen, créateur des effets de nombreux films dont Jason and the Argonauts (1963, de Don Chaffey ) qui devient très vite son film favori. Cette passion pour un cinéma généralement snobé par les critiques dits sérieux et les tenants du bon goût font du jeune Tim Burton un enfant souvent rejeté par ses petits camarades, un vilain petit canard solitaire et bizarre, un « freak ». Cette notion de rejet et d’exclusion deviendra une des pierres fondatrices, le thème majeur même de sa carrière de cinéaste.

Passionné également par le dessin et par les dessins-animés produits par Walt Disney, Tim Burton va se tourner vers des études d’animateur. En 1971, il tourne (en amateur) un premier court-métrage d’animation intitulé The Island of Dr. Agor, suivi par un deuxième en 1979 intitulé Stalk of the Celery Monster. Engagé par les Studios Disney, Tim Burton va exercer ses talents d’animateur sur diverses productions dont Pete’s Dragon (1977), The Fox and the Hound (1981), Tron (1982) et The Black Cauldron (1984). Son style macabre et ses dessins sombres, inspirés de l’expressionnisme allemand autant que des comics américains seront pourtant jugés par les pontes de chez Mickey comme faisant tâche dans une compagnie dont les films s’adressent avant tout aux enfants. Burton sera remercié mais non sans avoir réalisé auparavant deux épisodes de l’anthologie télévisée Faerie Tale Theatre intitulés Aladdin and His Wonderful Lamp et Hansel & Gretel, un autre de la série télévisée Alfred Hitchcock Presents et encore deux courts-métrages : Vincent (82), petit film d’animation très émouvant dont le narrateur est Vincent Price et surtout Frankenweenie (84), une variation canine sur le mythe de Frankenstein bercée d’une bonne dose d’humour noir et dans lequel sont déjà bien présentes toutes les préoccupations de son auteur. En 1985, Burton se lance dans l’aventure du long métrage avec Pee Wee’s Big Adventure : The Story of a Rebel and His Bike, une comédie burlesque mettant en scène le personnage de Pee Wee, un grand enfant naïf et simplet inspiré des grands comiques du muet. Pee Wee, bien entendu est considéré comme un freak par tous ceux qui l’entourent. Le succès de ce premier long métrage poussera Tim Burton vers la réalisation de Beetlejuice, une comédie fantastique macabre à l’humour très noir peuplée de monstres grandiloquents, de petites filles suicidaires et dont le « héros » est un démon vulgaire et libidineux. L’énorme succès du film lui permet de réaliser l’année suivante son plus grand succès : l’adaptation de la bande-dessinée Batman au cinéma. Mais Tim Burton a bien du mal à imposer sa vision aux exécutifs du Studio Warner qui lui mettent des bâtons dans les roues dès qu’il décide de laisser libre cours à sa folie créatrice. Le film, bien que très noir et parsemé de scènes grandioses n’est qu’à moitié réussi mais bénéficie de l’interprétation décalée de Jack Nicholson. La patte de Burton a souvent du mal à percer sur le projet. Heureusement, le film est un triomphe commercial et permet à Burton d’écrire et de réaliser un projet beaucoup plus personnel : Edward Scissorhands, un conte de fée qu’il invente de toutes pièces et qui encore une fois aborde les sujets qui lui tiennent à cœur : un inadapté social immergé dans un monde qu’il ne connaît pas avec des conséquences dramatiques. Le film est immédiatement perçu par les critiques et le public comme l’un des chefs d’œuvre du cinéma des années 90, ainsi que l’un des films les plus émouvants sans pour autant abandonner l’humour noir et le caractère marginal de son auteur.
Après Edward Scissorhands, que nous étudierons dans ce travail, Tim Burton, fort de trois succès commerciaux consécutifs, prend sa revanche sur le studio Warner qui lui avait lié les mains lors du premier Batman et revient en force avec un Batman Returns beaucoup plus personnel, plus sombre et qui porte à 100 % la patte de son réalisateur : il fait ici de son héros un être au bord de la folie et crée un des « méchants » les plus odieux jamais vus au cinéma : le Penguin interprété par Danny DeVito est un être handicapé, libidineux, sale, obsédé et finalement pathétique. Du jamais vu dans un blockbuster américain. En 1993, Burton écrit et produit Tim Burton’s The Nightmare Before Christmas, un conte de fée musical macabre réalisé en stop-motion animation (en hommage à Ray Harryhausen ) par un Henry Selick qui voit son travail éclipsé par la réputation de son désormais illustre producteur. C’est en 1994 que Tim Burton réalise son deuxième chef d’œuvre (après Edward Scissorhands ). Amusante coïncidence, Johnny Depp y joue à nouveau un personnage excentrique prénommé Edward vêtu de façon pour le moins bizarre. Il s’agit bien entendu de Ed Wood, l’hommage personnel de Burton à celui que quelques imbéciles cyniques ont proclamé « plus mauvais réalisateur au monde », Edward Wood, Jr. (1921-1978), pape de la série Z californienne dans les années 50, travesti notoire et réalisateur de joyeusetés comme Bride of the Monster et de Plan 9 From Outer Space. Un autre alter-ego de Tim Burton, tout comme l’étaient Vincent, Edward, Batman et le Jack Skellington de Nightmare Before Christmas. Plutôt que de plonger dans la biographie sérieuse et noyée dans le pathos, Burton fait de son film une comédie légère et intelligente, filmée dans un noir et blanc somptueux. Ed Wood est en fin de compte l’hommage d’un grand cinéaste à un médiocre tâcheron certes mais dont la personnalité était extrêmement attachante. Le film reçut l’Oscar du Meilleur Second Rôle Masculin pour Martin Landau qui incarne ici l’acteur Bela Lugosi, un des acteurs préférés de Burton.

En 1996 sort Mars Attacks!, une amusante comédie de science-fiction parodique qui rend hommage à tous ces films d’invasions terrestres des années 50, peuplés d’extraterrestres farfelus. Le film est, en plus d’un hommage sincère à ce cinéma décrié par les critiques « sérieux » une virulente attaque contre certaines valeurs familiales, notamment le sacro-saint « politiquement correct » qui gangrène Hollywood. Burton y prend un malin plaisir à faire décimer un casting de stars (Jack Nicholson, Glenn Close, Pierce Brosnan et bien d’autres ) par des extraterrestres facétieux et rigolards. Un film extrêmement jouissif qui connut, comme c’est étrange, peu de succès aux Etats Unis. Burton reviendra en 1999 avec Sleepy Hollow, une adaptation spectaculaire du célèbre conte connu de tous les enfants américains et virtuellement inconnu dans nos contrées. Burton s’amuse ici à rendre un hommage visuel appuyé aux films de la firme britannique Hammer spécialisée dans les années 60-70 dans le fantastique gothique, mais également au maître du fantastique italien Mario Bava et à son film La Maschera del Demonio (1960) dont il s’inspire beaucoup. Le film connaît un beau succès. Un an plus tard cependant, Tim Burton commet son premier faux pas et signe un film de commande peu inspiré, remake du célèbre Planet Of the Apes de Franklin J.Schaffner (1968). Le film éponyme de Burton, qui s’inspire plus du roman de Pierre Boulle que du film original, malgré plusieurs scènes très spectaculaires et des maquillages incroyables souffre surtout de son statut de film de commande pur : on n’y retrouve pratiquement pas la patte magique du réalisateur. Le public et les critiques sont déçus. Tim Burton semble cependant avoir retrouvé un sujet plus personnel et digne de lui avec Big Fish, en tournage actuellement et qui devrait sortir en décembre 2003 aux Etats Unis.

Tim Burton est un artiste complet, réputé pour sa gentillesse et sa fidélité envers ses collaborateurs : ainsi, Danny Elfman aura signé la musique de neuf de ses dix long métrages. Burton s’est également constitué une petite communauté d’acteurs qu’il retrouve régulièrement : Johnny Depp (3 films), Michael Keaton (3 films ), Alfred Gough (3 films), Danny DeVito (3 films), Paul Reubens (3 films), Jeffrey Jones (3 films), Jack Nicholson (2 films), Vincent Price (2 films), et Lisa Marie (4 films) en font partie. Outre ses activités de réalisateur – producteur – scénariste, Tim Burton est également depuis quelques années l’auteur d’une série de livres (pour enfants ?) intitulée The Melancholy Death of Oyster Boy and other stories dont il signe les textes et les dessins.
EDWARD SCISSORHANDS


Résumé de l’histoire
Une petite fille demande à sa grand-mère d’où vient la neige. Celle-ci lui raconte alors l’histoire suivante…
À une époque indéterminée, dans la petite banlieue typiquement américaine de Suburbia, Peg Boggs, une représentante en produits cosmétiques en manque de clients décide de s'aventurer dans le vieux château abandonné qui surplombe la petite ville. Elle y découvre Edward, un être solitaire et timide, fabriqué de toutes pièces et laissé « inachevé » par un inventeur farfelu décédé avant d’avoir pu lui donner des mains. En lieu et place de mains, Edward est affublé d’énormes ciseaux dont il se sert pour tailler les haies du jardin merveilleux de son château. Peg prend sous son aile l'homme aux mains d'argent et décide de l'accueillir chez elle. Edward est dès lors confronté pour la première fois à la vie sociale alors qu'il avait vécu en ermite durant de longues années, enfermé dans la propriété du château... Edward est accueilli comme un prince et fait l’admiration de tout le quartier qui se presse aux portes de sa nouvelle maison pour entrevoir le mystérieux invité. Edward fait la joie de tout le quartier en taillant les haies et en coupant les cheveux grâce à ses incroyables ciseaux. Mais ce bonheur ne sera hélas que de courte durée : les malheurs d’Edward commencent lorsque Kim, la fille de Peg et de son mari Bill qui l’ont accueilli revient à la maison. Il tombe amoureux de la jeune fille au premier regard. Kim, d’abord réticente et peureuse face à cet être hors du commun, tombera peu à peu sous le charme d’Edward, qui hélas, ne peut l’enlacer à cause de ses mains en ciseaux. Jim, le petit ami de Kim, jaloux, entraîne le pauvre Edward dans un cambriolage. Arrêté par la police, Edward devient petit à petit un objet de méfiance au sein de la petite communauté. Alors qu’ils voyaient en lui un être extraordinaire, les habitants de Suburbia commencent à considérer Edward comme un monstre, incapable de s’adapter à leur petite vie tranquille. Rejeté par tous, sauf par Kim et sa famille, Edward blesse un jour accidentellement Kim avec ses ciseaux. Jim, furieux, se jette sur Edward et le pauvre est obligé de s’enfuir, blessant dans la bagarre Kevin, le petit frère de Kim. Toute la petite communauté se met en chasse et décide de punir celui qu’ils admiraient autrefois. Obligé de fuir, Edward retourne dans son château où il est rattrapé par Jim. Dans la bagarre qui s’ensuit, Edward tue son adversaire. Kim, après avoir une dernière fois avoué son amour à Edward, retournera auprès des siens, et, avec une paire de ciseaux trouvée dans le château, fera croire à la mort d’Edward. Kim et Edward ne se reverront plus jamais.
La petite fille demande à sa grand-mère si Edward est toujours vivant. Elle lui répond que tant qu’il neigera, Edward sera en vie : c’est Edward qui amène la neige sur la petite ville de Suburbia en taillant avec ses ciseaux d’énormes statues de glace. Cette vieille dame, c’était Kim…
Tim Burton et le conte de fées.

Le sujet d’Edward Scissorhands relève à 100 % du conte de fées : c’est l’histoire d’un homme qui avait des ciseaux pour mains et qui ne pouvait toucher personne… Mais contrairement à La Belle et la Bête de Jean Cocteau, vu en classe cette année, Edward Scissorhands ne relève pas d’un conte de fée dit « traditionnel » (comme ceux des Frères Grimm, de Charles Perrault ou encore de Hans Christian Andersen. ) Il s’agit en effet d’un conte de fées « moderne » totalement imaginé par Tim Burton lui-même et scénarisé par Caroline Thompson (elle-même réalisatrice de films comme Black Beauty – 1993, et auteur de livres pour enfants ) et donc, non-adapté d’un conte comme l’ont fait entre autres Walt Disney, Jean Cocteau ou Jacques Demy pour ne citer que les plus célèbres, mais écrit DIRECTEMENT pour l’écran. Malgré cet « inconvénient » qui nous prive d’un élément de base auquel on pourrait comparer le film, je trouvais intéressant d’étudier comment et dans quelles mesures Tim Burton et Caroline Thompson allaient se servir des « ingrédients » des contes de fées pour en créer un de toutes pièces dans le cadre cinématographique. Pour ce faire, je baserai mon analyse sur le système de Vladimir Propp (comme vu en classe pour l’analyse de La Belle et la Bête ) qui définit ce que doit être le conte « idéal.» On verra que beaucoup des fonctions définies par Propp seront présentes dans le film de Burton, pas toujours dans le même ordre cependant. On verra également que Burton va détourner certaines de ces fonctions pour finalement donner une conclusion plus pessimiste que dans les contes traditionnels. (Propp dit que chaque conte de fées contient une fin heureuse, ce qui je pense, est vraiment exagéré… ) Le but avoué de Burton étant de créer « un conte de fées doté d’une morale dans la banlieue moderne.» Burton et Thompson vont se tourner vers la définition que Joseph Campbell fait de la fable : « Une fable est une histoire à laquelle on ne croit pas nécessairement mais que l’on comprend. Une fable traite des sentiments du manque d’intégration, de l’envie de s’intégrer, des efforts pour s’intégrer, et finalement, de la prise de conscience qu’il est impossible de s’intégrer. » Les séances de travail entre Burton et Thompson sont bien connues : Burton échangeant ses idées avec elle comme dans un cabinet de psychanalyste. Thompson étant chargé de rédiger tout cela sous la forme d'une véritable histoire. Et finalement un scénario complet de conte de fées surgit des rêves éveillés de Burton.


Le système de Propp

Vladimir Propp parle de structure du « voyage du héros » qui traverse plusieurs étapes : il est amené à s’aventurer dans un monde inconnu, plein de défis (voyage physique mais également voyage intérieur) qui va lui apprendre la complexité de l’amour et du désir. Le personnage reçoit un appel vers l’aventure. Des épreuves vont l’attendre, qu’il va devoir traverser. Propp en est arrivé à formuler trois principes :

1) Les éléments constants, permanents du conte sont les fonctions des personnages, quels que soient ces personnages et quelle que soit la manière dont ces fonctions sont remplies.
2) Le nombre des fonctions que comprend le conte merveilleux est limité.
3) La succession des fonctions est toujours identique.
Le système de Propp est composé de 31 fonctions qui se retrouvent au moins en partie dans tous les contes :

Séquence préparatoire
1. Absence : la fonction de l’absence dans le film de Burton est incarnée par le vieil inventeur (Vincent Price), le père d’Edward, qui par sa mort soudaine laisse Edward, sa création, inachevé. L’absence de ce père a fait d’Edward ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un être solitaire et reclus.
2. Interdiction : l’interdiction est représentée par le château d’Edward qui surplombe la petite ville de Suburbia et qui est un mystère pour tous ses habitants : Edward ne peut en sortir. Et les hommes ne peuvent y entrer. L’interdiction sera transgressée par Peggy, la vendeuse de cosmétiques qui, faute de clients, s’aventurera dans le château et y découvrira Edward.
3. Transgression : Amener Edward à Suburbia représente la transgression : une créature découvre un monde dont il ignore tout, avec des conséquences heureuses en premier lieu, et des drames par la suite.
4. Interrogation : Edward, malgré l’amour de sa famille d’adoption se demande s’il est vraiment chez lui à Suburbia. Viendra également pour Edward le temps de l’interrogation amoureuse lorsqu’il rencontre Kim : pourra-t-il l’aimer comme un homme « normal » aime une femme ?
5. Demande de renseignement : Edward qui ne connaît rien du monde qu’il visite le découvre avec des yeux d’enfants. La personne qui lui donne les clés pour survivre dans ce nouvel environnement est Peg.
6. Duperie : Edward sera dupé plusieurs fois au cours du récit. Premièrement par le personnage de Joyce Monroe, une mangeuse d’hommes qui voudra l’attirer dans son lit et qui se retournera contre lui en feignant le viol lorsqu’Edward, apeuré s’enfuira en courant. D’une manière plus générale, Edward sera trompé par les habitants de Suburbia : ainsi, le vieil homme qui, à son arrivée dit à Edward de ne laisser personne le traiter de handicapé retournera sa veste plus tard lorsque la police poursuivra Edward en souhaitant « que l’on attrape ce monstre. » Mais la plus grande duperie dont Edward sera la victime sera celle organisée par Jim (et indirectement par Kim ) lorsqu’il profite de la naïveté d’Edward et l’entraîne dans un cambriolage. Arrêté par la police, Edward verra tous ses « amis » lui tourner le dos.
7. Complicité : Complicité presque parentale d’abord avec sa famille d’adoption, Peggy et son mari Bill qui accueillent Edward dans leur maison comme s’il s’agissait d’un nouvel enfant. Complicité amoureuse enfin avec Kim, qu’il ne pourra jamais enlacer mais qui lui déclare son amour. Complicité enfin avec un un agent de police compréhensif qui le laisse s’enfuir.

Première Séquence.
8. Manque ou méfait : Le manque le plus évident d’Edward est le manque de mains, un manque qui fait de lui, selon le point de vue un être extraordinaire ou un freak, un monstre de foire.
9. Médiation : Le rôle du médiateur est tenu pendant toute la durée du film, et cela jusqu’à la fin de l’histoire par Peggy, qui, lorsque les rapports entre Edward et la communauté commenceront à s’envenimer, tentera toujours de résoudre les problèmes. Peggy joue le rôle d’intermédiaire entre ces deux entités que sont Edward et les habitants de Suburbia.
10. Commencement de l'action contraire : L’action contraire débute lorsqu’Edward est impliqué dans le cambriolage organisé par Jim. C’est cet événement qui va réveiller le sentiment de méfiance, de peur, puis plus tard, de haine, de la communauté envers Edward.
11. Départ du héros : La définition du « héros » dans Edward est très ambiguë. Peut-on légitimement considérer Edward comme un héros alors que tout ce qu’il fait dans le film, c’est réagir face aux épreuves. Il n’y a pas de « héros » au sens propre du terme dans le conte de Burton comme imaginé par Vladimir Propp. Le seul moment où Edward agit en héros arrive à la fin du récit lorsque Jim gifle Kim. Edward voudra défendre celle qu’il aime et tuera son ennemi. La fonction du départ est celle qui provoquera les malheurs du héros : s’il n’avait pas quitté son château, Edward n’aurait connu ni le bonheur ni les problèmes. Lorsqu’il quitte Suburbia à la fin du film, c’est un départ forcé, une retraite obligée, une fuite qui le forcera à vivre en ermite pour la fin de ses jours.
12. Première fonction du donateur : Plusieurs dons seront faits à Edward au long du film : Premièrement, le vieil inventeur lui donne la vie. Ensuite, Peggy et Bill lui offrent un nouveau toit. Les habitants de Suburbia lui offriront leur hospitalité et leur amitié. Le don le plus précieux qu’il recevra sera bien entendu l’amour de Kim. Tous les dons faits à Edward seront plus tard des sources de malheur pour lui : il reçoit la vie mais le vieil inventeur meurt avant de lui donner des mains. Il sera obligé de quitter son nouveau toit lorsqu’il perdra l’amitié des habitants de Suburbia. L’amour de Kim, lui, sera éternel. Mais la condition pour que cet amour dure sera la séparation éternelle.
13. Réaction du héros : Edward réagit aux évènements qui lui arrivent par la naïveté. Edward n’est qu’un enfant qui ne sait comment réagir face aux évènements, parce qu’il n’a pas eu le temps d’apprendre et par manque d’expérience : il est totalement innocent. Sa réaction la plus naturelle sera la fuite. C’est une des raisons pour lesquelles Edward n’est pas un héros mais bien un anti-héros.
14. Transmission : L’histoire d’amour entre Edward et Kim peut être considérée comme une transmission. En se transmettant mutuellement leur amour, les deux personnages vont changer à jamais. Edward tombe amoureux de Kim par l’intermédiaire d’une photo et Kim se rend compte de son amour pour Edward par le biais de la télévision. La révélation de l’amour n’arrive jamais directement.
15. Déplacement, transfert du héros : C’est un déplacement qui s’opère dans les cœurs des habitants de Suburbia : d’homme extraordinaire, Edward devient un monstre. Ils vont se rallier ainsi à l’avis d’Esmeralda, la bigote du village, qui dès l’arrivée d’Edward les avait prévenus qu’Edward était le Diable.
16. Combat du héros contre l'antagoniste : C’est ce combat entre Edward et Jim qui constitue le dénouement de l’histoire : Edward tue son adversaire d’un coup de ciseaux dans le cœur lorsque celui-ci gifle et menace sa bien-aimée.
17. Marque : Edward est accusé par Esmeralda, la bigote du village de porter la marque du diable.
18. Victoire sur l'antagoniste : victoire amère car lorsqu’Edward tue son adversaire dans un accès de violence motivé par l’amour qu’il porte à Kim, le peu de chances qu’il avait encore de se faire accepter par la communauté disparaît. Cette victoire arrive par le premier acte de violence commis par Edward, qui dès lors, devra se faire passer pour mort et vivre le reste de ses jours dans la solitude.

Seconde séquence.
19. Réparation du méfait : à chaque fois qu’Edward commet un méfait, il tente de le réparer sans succès : il se retrouve prisonnier après le cambriolage et perdra la confiance de la communauté. Plus tard, il blesse Kim accidentellement avec ses ciseaux, ce qui provoque une bagarre avec Jim. Enfin, à la fin du film, il blesse, encore une fois accidentellement le petit frère de Kim au visage. Il se jette sur lui pour tenter de l’aider mais ne fait qu’aggraver la situation. Plusieurs personnes croient qu’Edward moleste le petit garçon et le chassent.
20. Retour du héros : Le seul retour du « héros » sera celui qu’il effectue malgré lui à la fin du film, vers son château et vers une solitude certaine.
21. Poursuite : La population de Suburbia se met à la poursuite d’Edward lorsque celui-ci blesse accidentellement le petit garçon. Cette poursuite culminera au château d’Edward et par le combat entre ce dernier et Jim. Pour la scène de poursuite, Burton avait en tête les films de Frankenstein ou de vampires où la population en colère se met en chasse pour pendre le héros.
22. Secours : Edward et Kim viendront successivement au secours l’un de l’autre lors du combat final contre Jim. C’est pour sauver Kim, giflée violemment qu’Edward tuera son adversaire.
23. Arrivée incognito du héros : Pas de héros dans Edward Scissorhands. Edward est obligé de fuir et c’est finalement l’antagoniste, Jim, qui, par sa mort violente sera considéré comme le héros : celui qui a fait disparaître le monstre Edward de Suburbia, acquérant ainsi le statut de martyr.
24. Imposture : Edward sera la victime de l’imposture de Jim qui se fera passer pour son ami afin de l’entraîner dans un cambriolage dont Edward sera désigné comme seul coupable. D’une manière plus générale, Edward sera victime de l’imposture des habitants de Suburbia, qui eux-mêmes se croient victimes de l’imposture d’Edward. C’est le schéma universel qui fait que les ignorants ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas et dont Edward est la victime.
25. Tâche difficile : La tâche la plus insurmontable qui incombe à Edward est de se faire accepter malgré sa différence auprès des habitants de Suburbia. Il y arrivera pendant quelques temps, puis des évènements tragiques feront qu’il sera rejeté en bloc. Sa tâche la plus difficile cependant sera de gagner l’amour de Kim. Il y arrivera mais devra payer le prix fort puisque les deux amoureux devront vivre séparés pour le reste de leurs jours.
26. Accomplissement de la tâche : La première tâche (se faire accepter ), Edward l’accomplira dans un premier temps grâce à ses dons naturels pour tailler les haies (en formes d’animaux, de personnages… ), pour relooker les chiens du quartier et leurs maîtresses à qui il coupera les cheveux de manière très originale. Pour gagner l’amour de Kim, Edward devra passer par l’humiliation (son arrestation après le cambriolage. ) L’amour de Kim viendra de sa propre culpabilité et du fait qu’Edward n’ait pas dénoncé ses complices. Kim découvre en Edward l’être parfait, celui qui ne trahira jamais et qui ferait tout pour elle. C’est donc d’une manière passive qu’Edward gagne l’amour de Kim (malgré lui ), confirmant ainsi son statut d’anti-héros.
27. Reconnaissance du héros : Comme je l’ai déjà dit, Edward n’est pas un héros, mais un anti-héros. Au lieu d’être reconnu, accepté, il sera rejeté. Burton prend donc ici le contre-pied de la finale des contes de fées traditionnels.
28. Découverte du faux héros : la dichotomie héros-faux héros sera ici inversée puisqu’Edward (en langage clair : le « gentil » ) et Jim (le « méchant » ) seront vus de manière inverse par les habitants de Suburbia. Edward devient le monstre à chasser et Jim, le sauveur martyr de la ville. Ce que l’on pourrait prendre pour du cynisme n’en est pas d’ailleurs puisque Burton fait d’Edward à la fin du film un être qui a recours à la violence pour la première fois. C’est ce que son séjour à Suburbia aura apporté de nouveau chez lui.
29. Transfiguration : Edward sera transfiguré par l’amour de Kim. C’est à cause de cet amour qu’il connaîtra pour la première fois des sentiments qu’il ne connaissait pas : la violence, la jalousie, le désir et la colère (lorsqu’il tue Jim. )
30. Châtiment : Pour avoir tué Jim, Edward se verra obligé de vivre caché et seul pour le reste de sa vie, privé de son amour. Dans le conte de fée traditionnel, c’est le « méchant » qui est châtié. Ici, c’est le « gentil », encore une fois Edward étant non pas un héros mais un anti-héros.
31. Mariage ou accession au trône : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… » Ce n’est évidemment pas le cas ici puisque la fin d’Edward est tragique : il vivra loin de Kim. Mais cette fin tragique est éclipsée par une deuxième fin : Edward est vu chez lui, dans son château, il a l’air heureux. Nous le voyons sculpter ses statues de glace, grâce auxquelles il fait neiger sur Suburbia. Kim, désormais très âgée sait que son amour est toujours vivant grâce à la neige. Le conte de fée se termine donc ici aussi par une note heureuse mais douce-amère : les deux amoureux séparés sont réunis par cet élément magique qui les lie : la neige.

Quelques caractéristiques du Conte de Fées que l’on retrouve dans Edward.

Un thème existant dans plusieurs contes est celui du héros « handicapé » qui souhaite s’intégrer (Peau d’Ane, Cendrillon…)
Dans les contes de Perrault, la femme tient souvent une place bien particulière : elle se trouve au centre des réflexions. C’est l’amour et le désir d’Edward pour Kim qui est au centre de l’histoire. Perrault avait également pour particularité certaines préoccupations morales : rien n’était trivial ou déplacé dans son écriture. Idem pour Burton, Edward Scissorhands étant un film qui s’adresse à un large public familial, son message est universel. La logique dans le conte n’est pas forcément respectée, on ne se préoccupe pas du rationalisme. Ainsi, nous ne savons pas quel âge a Edward. Est-il immortel ? La création d’un univers fantastique de conte de fées fonctionne sur l’abolition du temps : nous ne savons pas combien de temps Edward va vivre à Suburbia (deux semaines ?, un an ? ) : le temps du récit est dilué. Une figure typique du conte de fées est le héros qui regarde par la fenêtre ( par exemple, Prince dans Peau d’Ane.) C’est dans cette position que nous découvrons Edward pour la première fois à la fin du générique : du haut de son château, il observe la petite ville de Suburbia qu’il ne connaît pas et qu’il a envie de découvrir. Le conte de fées ne repose sur aucun réalisme historique et fonctionne sur la confusion du réalisme et du merveilleux : ainsi, Suburbia est une ville intemporelle : moderne certes (voitures, tondeuses, télévision – Kim tombe d’ailleurs amoureuse d’Edward par l’intermédiaire de la télévision lorsque celui-ci passe dans une émission racoleuse ) mais tellement ancrée dans la caricature que l’on pourrait la situer aussi bien dans les années 50 qu’à notre époque.
De nombreux films adaptés de contes de fées sont narrés en voix-off. Edward Scissorhands a également un narrateur : Kim devenue vieille, mais qui n’intervient qu’au début et à la fin du film.
Enfin, la déclaration suivante de Jacques Demy, à la sortie de son adaptation de Peau d’Ane me semble refléter exactement les préoccupations de Burton sur Edward :

"Je voulais avoir les deux côtés à vrai dire : d’une part , le sujet enfantin, merveilleux, ce qui plaira aux gosses et d’autre part, la vision adulte d’un récit complètement pervers devant lequel le spectateur se mettra ou non des oeillères selon son degré de puritanisme (...) (Entretiens avec Jacques Demy.)


Le Générique du film

Le logo de la 20th Century Fox apparaît sous la neige : c’est la première image du film, superbe, froide et bleutée. Quelques chœurs discrets et lointains, l'impression qu'un conte d'hiver va commencer, pourtant on ressent le froid. Tout le film est déjà dans ces quelques secondes. La porte du manoir s'ouvre lentement sur les ténèbres. Le titre apparaît avec un mouvement de ciseaux, la grâce touche même le lettrage des crédits. La caméra voyage dans le manoir, les ténèbres sont présentes, on s'imagine dans le château de la Belle au Bois Dormant, des machines étranges apparaissent dans des couleurs froides, le bleu foncé, le noir et le blanc dominent. Des biscuits surréels forment un ballet. Et le visage de Vincent Price, l'Inventeur, le Père apparaît à l'écran. Il est le centre du propos, celui qui crée et qui s'absente. Ce plan final de générique est l'un des plus beaux et des plus forts de l'œuvre de Burton. Le visage si pâle de Price reflète la mort, il semble endormi. Le générique d’Edward Scissorhands regroupe ainsi tous les thèmes du film dans une imagerie directement inspirée du conte de fée : avec la musique de Danny Elfman où retentissent des chœurs puissants, nous découvrons une succession de plusieurs objets ou images qui vont avoir une importance capitale plus tard dans le récit et qui défilent à l’écran comme des flocons de neige qui tombent du ciel : des mains, des gâteaux, des ciseaux, les machines de l’inventeur et le corps inanimé de celui-ci. Ce générique annonce tout de suite la couleur : les personnages vont évoluer dans un monde magique, féerique, irréel, enchanté. On sait tout de suite que l’on va assister à un conte de fées. Ce générique a été conçu, selon Burton pour aider à installer le ton émotionnel du film, à l’aide du lettrage mais surtout grâce à la musique.

Juste après le générique, nous découvrons le narrateur : la grand-mère. Celle-ci s’apprête à raconter une histoire à sa petite fille et pour cela, comme dans tout bon compte de fée qui se respecte, elle utilise ce que l’on appelle une formulette. La formulette est une petite phrase qui sert à introduire le récit, à ouvrir la porte derrière laquelle se trouve l’univers magique. C’est lorsque l’on entend la formulette que le silence se fait, que le conteur se met en voix. Quelques exemples de formulettes de début de conte : « Il était une fois… », « Il y a très longtemps… », « Au temps jadis… », etc… La grand-mère du film démarre sa narration par « A long time ago… » et « There once was a man who had scissors for hands… »…


Choix Esthétiques

L’histoire d’Edward, Burton la porte en lui depuis très longtemps, depuis son adolescence. C’est en effet à cette époque qu’il dessine quelques croquis du personnage. Edward, solitaire, timide, naïf est donc tout naturellement calqué sur Burton lui-même (voir photo page 2 ) : une grande masse de cheveux en pagaille, le tain très pâle, tout de noir vêtu. Tim Burton EST Edward, son alter-ego le plus évident dans toute son œuvre. Edward sera très fortement influencé par l’expressionnisme allemand et les films muets : impossible de ne pas penser au Cesare du Cabinet du Docteur Caligari ou même ou Nosferatu incarné par Max Schreck dans le film de Murnau, bien qu’Edward sera à leur différence un personnage 100 % positif. Mais Edward a beaucoup en commun également avec la créature de Frankenstein créée par Mary Shelley : comme la créature, il a été créé de toutes pièces par un inventeur de génie et comme elle, cherche à se faire aimer. Johnny Depp sera pour l’occasion maquillé par le légendaire Stan Winston. Pour en revenir à cette influence de l’expressionnisme, on la retrouve bien sûr dans le manoir, lieu symbolique par excellence dans quantité de contes de fées, que Burton a imaginé avec l’aide de son chef décorateur Bo Welch et le directeur de la photographie Stefan Czapsky : aucun angle droit, que des courbes, les couleurs sont bleues, blanches et noires, les lumières sombres, un mélange d’art gothique inspiré des films de la Hammer ou encore des adaptations de Edgard Allan Poe dans les œuvres de Roger Corman. Outre le manoir, Edward Scissorhands comporte également d’autres images traditionnelles du conte, comme les miroirs (présents surtout à Suburbia ) et l’imagerie animalière, présente dans les statues sculptées dans les haies par Edward. Le jardin qui jouxte le château en est décoré abondamment : toute cette verdure contraste fortement avec le château lui-même, l’intention de Burton étant de créer, comme il le dit avec humour, « un jardin pour Martha Stewart quand elle sera vieille et folle. » Les scènes qui prennent place dans le château et dans le jardin d'Edward sont magnifiques. La séquence où Kim monte l'escalier du château n'est pas sans nous rappeler les scènes de films de série B. Tout dans le domaine d’Edward semble tout droit sorti d’un conte de fées : tout semble irréel.
Irréelle, la petite ville de Suburbia le semble aussi mais pour d’autres raisons : Suburbia ne relève plus du conte de fées mais de la caricature au second degré. Burton a calqué Suburbia (« suburb » = « banlieue » en anglais,) sur sa ville natale Burbank et ses souvenirs d’enfance, tout en forçant le trait par la caricature : les maisons, les voitures et les dames sont parées de couleurs verte, bleue, jaune canari ou rose bonbon. Tout dans Suburbia est coloré, les angles des maisons et des jardins sont droits, tout y est propret, rien ne dépasse. Malgré ces couleurs pastel, tout Suburbia n’est qu’un bloc de béton, où la monotonie devient souvent effrayante. Le meilleur exemple est la scène où les voitures de chaque maison quittent leurs allées toutes en même temps. C’est la parfaite caricature des petites banlieues qui fleurissent en Amérique, celles où l’on décore abondamment les toits à Noël, où les pères de famille passent leur temps à arroser leur pelouse ou à s’asseoir dans leur garage pour siroter une bière. Le contraste avec le monde d’Edward est donc très marqué. Edward, un être en noir et blanc fait irruption dans un monde aux couleurs vives : il est le freak qui vient « polluer » une communauté proprette. Les rôles du château hanté et de la banlieue harmonieuse sont inversés pour devenir un château harmonieux et une banlieue hantée.


Le Jeu des Acteurs

Tim Burton a choisi Johnny Depp alors que celui-ci n’avait pour titre de gloire qu’une très mauvaise série télévisée (21 Jump Street). Depp souffrait à l’époque d’un manque de reconnaissance et d’une frustration vis à vis de son rôle dans cette série abominable, état d’esprit qui convenait parfaitement à celui d’Edward. Les deux hommes ne se connaissaient pas avant. Ce qui a séduit Tim Burton dans Johnny Depp, c’est le fait que celui-ci possède le visage expressif des acteurs du muet : Johnny Depp n’a pas besoin de parler pour exister, il arrive à faire passer l’émotion uniquement par son regard. Pour entrer sous la peau d’Edward, Depp, prisonnier de plusieurs couches de maquillage et d’un costume très lourd a, en accord avec son réalisateur, décidé d’adopter la démarche du Charlot créé par Chaplin, avec le regard triste de Buster Keaton : presque un exercice de mime par moment. Le résultat est époustouflant car Depp arrive à garder intacte toute la naïveté, la candeur et l’innocence du grand enfant qu’est Edward, ce qui rendra les scènes où Edward cède à la violence à la fin du film encore plus poignantes. Pour Kim, Burton voulait également d’une actrice qui lui rappellerait les grandes actrices du muet : il a donc fait appel à Winona Ryder qu’il avait déjà dirigée dans Beetlejuice et dont les grands yeux et l’intensité du regard se mariaient parfaitement avec le regard d’Edward.
Pour les habitants de Suburbia, Burton a clairement cherché à aller le plus loin possible dans la caricature : ainsi, Dianne Wiest, actrice souvent vue chez Woody Allen, campe une représentante en cosmétiques plus vraie que nature. Kathy Baker, elle, excelle en mangeuse d’hommes aguicheuse mais la palme revient au grand Alan Arkin, qui, en mari de Peg, passe l’intégralité du film dans un état de (comme dit Burton ) « suburban detachment » absolument savoureux : un grand numéro d’acteur. La principale directive que Burton donnera à ces acteurs jouant des caricatures sera de « jouer vrai », de faire de ces personnages extrêmes des personnages « vrais » : ainsi, le jeu naturel des acteurs couplé à des vêtements roses et jaunes ne fait encore une fois que renforcer la caricature, une caricature non pas féroce mais plutôt bon enfant.


Le Second Degré et l’Humour chez Tim Burton

Toute la partie se déroulant chez Edward est réalisée dans l’optique du conte de fées : tout y est irréel, léger, on se croirait dans un rêve. Mais dès que l’on arrive à Suburbia, Tim Burton décide de faire de la caricature et du second degré : toute cette petite ville sera calquée sur Burbank, sa ville natale qu’il trouvait mortellement ennuyeuse lorsqu’il était gosse : c’est en observant sa famille, ses voisins et en se remémorant ses souvenirs d’enfance que Burton va construire la ville du film petit à petit : Suburbia est une projection exagérée par la caricature et l’humour du Burbank de Tim Burton enfant. Aucun des deux pôles qui constituent l’histoire d’Edward ne relève donc vraiment du « réel » : Suburbia se situe dans un « réel exagéré » : il s’agit d’une critique, certes sévère et gratinée d’une certaine American Way of Life, mais vue avec beaucoup d’amour pour les personnes caricaturées. Burton fait de Suburbia un monde encore plus étrange que celui d’où vient Edward. L’humour dans Edward Scissorhands, contrairement à ce que l’on pourrait croire n’est pas féroce, car empreint d’une forte dose d’affection, ce qui fait d’Edward Scissorhands le petit frère du Ed Wood que Burton réalise en 1994 où il traite avec beaucoup d’humour du « pire cinéaste au monde » sans se moquer de lui une seule seconde, ce qui aurait été la solution facile. Burton usera de cet humour féroce bien plus tard dans Mars Attacks ! où l’Amérique en prendra pour son grade, Burton adoptant pour l’occasion la même démarche humoristique que Stanley Kubrick dans son Dr. Strangelove : un humour féroce doublé d’une satire politique. Rien de tout ça donc dans Edward, où rares sont les personnages auxquels on ne peut pas s’attacher. Burton ne condamne pas, il observe avec un regard critique espiègle et malicieux.

La Fonction du Flash-back

Edward Scissorhands contient trois flash-backs dont la fonction est purement EVOCATIVE : ce sont des retours en arrière qui interviennent à chaque fois qu’Edward est confronté à une nouvelle situation : il se remémore alors son apprentissage avec le vieil inventeur incarné par Vincent Price.

-Le premier flash-back intervient lorsqu’Edward observe un ouvre-boite : cette machine lui rappelle les nombreuses machines merveilleuses de l’inventeur, avec lesquelles il pouvait, au choix, créer un homme ou encore faire de délicieux gâteaux. Ce flash-back est un prétexte à une séquence magique où le laboratoire de l’inventeur fonctionne dans une imagerie purement burtonienne et qui rappelle les films de science-fiction des années 50.
-Le deuxième flash-back intervient lorsque Bill fait la remarque à Edward qu’il ne doit pas prendre tout ce qu’on lui dit au pied de la lettre. Edward se remémore alors l’apprentissage de la parole et des bonnes manières avec son père, dans une scène très tendre et bon enfant.
-Le dernier flash-back est le plus douloureux : alors que Kim aide Edward à l’enlacer, chose qu’il ne peut effectuer sous peine de la blesser, Edward se rappelle du jour où l’inventeur est venu lui offrir ses nouvelles mains. Un bonheur de courte durée car le vieil homme s’écroule devant Edward, les mains de cire étant transpercées par les ciseaux.
Ces trois scènes de flash-back servent surtout à cerner mieux la personnalité d’Edward et de comprendre comment il en est arrivé là où il en est aujourd’hui. Elles sont évidemment un prétexte pour Burton de filmer son vieil ami Vincent Price, qui n’intervient que lors de ces scènes.


La Figure Paternelle

Dans la plupart des contes de fées, la figure paternelle joue toujours un rôle déterminant dans la destinée du héros. Ainsi, pour prendre quelques exemples connus, le père de Belle dans La Belle et la Bête de Charles Perrault est à l’origine de tous les problèmes de l’héroïne : c’est lorsqu’il s’aventure dans le Château de la Bête qu’il déclenche (indirectement ) les malheurs de sa fille : celle-ci devra se sacrifier à la Bête pour lui sauver la vie. Dans Blanche Neige, des Frères Grimm, c’est la lâcheté et le remariage du père de Blanche-Neige avec une femme cruelle qui plonge sa fille dans le malheur. Idem dans Cendrillon de Charles Perrault. Dans Peau d’Ane de Charles Perrault, le Roi veut épouser sa fille et dans Le Petit Poucet de Perrault, le bûcheron abandonne ses enfants dans la forêt et les laisse à leur sort. Les exemples sont nombreux. La figure paternelle dans les contes de fées est toujours décrite comme une figure qui déborde d’amour pour son enfant, mais qui, indirectement, sans le vouloir, va plonger celui-ci dans le malheur. Il en va de même avec Edward Scissorhands : le père d’Edward, le vieil inventeur est un vieillard excentrique et aimant. Il a créé Edward comme un être parfait. Et s'il avait été achevé, effectivement Edward aurait été le plus parfait des humains. Métaphore divine ? L’inventeur serait-il Dieu ? Un Dieu oublié des humains vieillissant dans l’oubli du haut de sa colline ?
Cet inventeur donc, sentant sa fin proche va transmettre son cœur, sa connaissance et ses rêves à une créature parfaite. Il lui fait également le don le plus précieux : la vie. Ce sera Edward, robot aux mains ciseaux, qu’il élève le plus humainement possible et à qui il confère une morale parfaite et une gentillesse absolue. Edward est le dernier héros romantique. Hélas, il n’est pas fini et l’inventeur meurt juste avant de lui greffer des mains, laissant ainsi Edward infirme et affublé d’énormes ciseaux qui vont en faire ce personnage solitaire et marginal malgré lui. A la mort de son père, Edward gardera quelques gouttes de sang de celui-ci sur ses lames.

Tim Burton a confié le rôle du vieil inventeur à son acteur fétiche, Vincent Price, presque un père pour lui, ce qui nous conforte encore dans l’idée que Tim Burton EST Edward. Une des plus belles scènes du film est sans aucun doute celle de la mort de l’inventeur alors qu’il s’apprête à donner ses nouvelles mains à Edward : Burton filme Vincent Price en un très long gros plan où celui-ci passe de la joie la plus totale à la mort. C’est le plan le plus émouvant du film et un fameux chant du cygne pour cet acteur de génie dont ce sera l’avant-dernier des 107 films et qui mourra le 25 octobre 1993.

Si l'image du Père brille par son omniprésence/absence, les images de la mère se succèdent : mère poule (Peg), mère incestueuse (Joyce), mère castratrice (Peg également… )


La Musique d'Edward Scissorhands, par Danny Elfman

La musique d’Edward Scissorhands est peut-être la plus belle partition écrite par Danny Elfman, collaborateur de longue date de Burton, puisqu’il composera la musique de tous ses films à l’exception de Ed Wood en 1994. La musique du générique est une valse qui fait écho à certaines partitions de Tchaïkovski. Toute la bande originale du film sera d’ailleurs placée clairement sous l’influence du compositeur de Casse-Noisette et du Lac des Cygnes. Toutes ces influences sont magnifiquement gérées par Danny Elfman qui ajoute des chœurs et de l'emphase, faisant ainsi ressembler sa partition à celle du Snow White and the Seven Dwarfs de Walt Disney. Sur cette introduction il commente avec une grâce sans pareille les magnifiques images du générique du film. La musique et les images sont (et le seront pendant tout le film ) en symbiose absolue. Le thème musical d’Edward est proprement hallucinant et il accompagnera tous les moments émouvants du film. Ce thème est composé d’une montée de chœurs enfantins, accompagnée par des cordes qui se font discrètes. Elfman, outre Tchaïkovski cite également Nino Rota dans sa musique : il rend hommage au compositeur italien lorsqu’il décrit la banlieue colorée dans un morceau qui ressemble à de la musique de cirque. Danny Elfman arrive à maintenir constamment un compromis entre le merveilleux du spectacle (par exemple lors de la découverte du manoir ) et une certaine tension qui annonce le drame final. La façon dont Elfman évoque la chute de la neige relève de la magie pure et dure, avec une légèreté incomparable. Sa musique mélange drôlerie, magie, délire et reflète admirablement l’ambiance si étrange et si irréelle du film. Un exemple d’humour : les violons dingues qui accompagnent chaque coup de ciseau donné par Edward lorsqu’il coupe les cheveux des dames de Suburbia. Dans les moments les plus tragiques, comme la scène en flash-back de la mort de l’inventeur, Elfman use de montées orchestrales qui accompagnent le thème d’Edward avec le retour des chœurs qui figent l’instant. Les fameuses envolées orchestre/chœurs de Elfman font des merveilles lors des scènes plus violentes : au moment du baiser final, le thème d'Edward semble littéralement explosé sous la violence et la tristesse de la fin du film. Là où l'on attendait les chœurs c'est une véritable explosion orchestrale qui coupe la mélodie en une montée virevoltante. La fin de l'histoire est, comme souvent chez Elfman, symbolisée par la cloche d'église qui résonne en glas fatidique. Juste avant le générique final, lors des dernières images du film, l'orchestre dépasse le mur du son, les chœurs volent plus haut que les étoiles, et amènent chez le spectateur le frisson absolu. Et le générique est annoncé par le silence de l'orchestre laissant la place aux chœurs angéliques.
Il est un fait certain qu’Edward Scissorhands (et par extension l’œuvre presque complète de Tim Burton ) ne serait pas le même film sans la musique de son ami Danny Elfman, mélange de rêve, de féerie, d’humour et de folie, concentré d’émotion, comme l’histoire d’Edward elle-même. Peu de compositeurs ont à mon humble avis aussi bien représenté la féerie et la magie indispensables aux contes de fées.

Conclusion
Conter est un art difficile qui demande du talent et un sens du merveilleux hors du commun. Tim Burton, avec Edward Scissorhands a choisi de s’attaquer au conte tout en le renouvelant. Il y réussit en amenant à l’art du conte sa touche si personnelle, inimitable : un personnage à la Frankenstein, un univers composite, mélange de diverses influences allant du conte de fées traditionnel aux films de série B et un humour tantôt noir, tantôt bon enfant. L'histoire d'Edward se présente sous la forme d'un conte, gage de pérennité, elle possède la magie, l'universalité et la cruauté des œuvres d’Andersen, de Perrault ou des frères Grimm. Avec Edward, Burton délivre un véritable conte moderne mais intemporel, profitant du format phare de son temps (le cinéma plutôt que l'écriture). Son film garde toujours la structure typique d'un conte de fées avec une situation initiale (un homme à part en quête d’acceptation ), un incident déclencheur (la visite de Peg au manoir), des péripéties, un dénouement et une grande finale.
Si Burton nous concocte un conte de fées, il n’en respecte pas pour autant tous les paramètres à 100 % : le fil conducteur est bien le conte mais il y a toutes sortes de routes secondaires qui peuvent nous mener très loin. Ainsi, dans la grande tradition du conte, une fin heureuse et une morale positive devraient se dégager. Or, Burton nous livre deux fins différentes : une tragique (le meurtre de Jim et la séparation des amoureux ) et une autre légèrement plus positive (le lien par la neige ) mais une conclusion qui laisse un goût amer, une conclusion « réaliste » : les Hommes ne sont pas fait pour le rêve. Burton n'est pas dupe : la réalité triomphe toujours du rêve. Edward est un film qui parle du lien impossible entre le réel et le rêve. Ce château au sommet de cette colline, c'est un peu une porte entre deux dimensions, la notre et celle du rêve. C'est un vrai passage interdimensionnel qui offre à un élément extraordinaire la possibilité d'intervenir dans notre monde. Un monde dans lequel il ne survivra pas. Ce côté critique est toujours extrêmement présent dans toute l’œuvre de Burton, le vilain petit canard de Burbank. N’oublions pas que Tim Burton EST Edward, un homme à part qui essaie tant bien que mal de se faire accepter. Lorsqu’il arrive à Suburbia, il est le vilain petit canard qui devient un cygne majestueux : les gens l’admirent. Mais contrairement au conte d’Andersen, le cygne redeviendra petit canard, du moins dans le regard de la communauté. Edward est un archétype, comme la plupart des héros des contes, c’est-à-dire que l’intégralité de sa personnalité nous est dévoilée. Edward est gentil, très gentil, trop gentil. Il fait les choses qu'on lui demande de faire. Mais il n'est pas stupide, il sait qu'il est manipulé, que l'on se moque de lui. Sa seule motivation devient l’amour de Kim pour qui il ferait n’importe quoi. Il apprend le mensonge, l'hypocrisie, la méchanceté des humains et finalement cède à la violence bien malgré lui. Le film portera dès lors en lui plusieurs préoccupations chères à son réalisateur : qu’est-ce qui est le plus effrayant ? Un homme qui peut en tuer un autre d'un seul mouvement de bras (via ses ciseaux) ou un quartier où la différence n'a pas sa place? Les thèmes cachés pourraient être résumés par la déshumanisation. Edward, le seul être qui n'est pas un vrai homme, est l'être le plus humain du film. Mais Edward possède un message à l’universalité indéniable : le droit à la différence, le droit au rêve, le droit à l'innocence et pour le traitement de tels thèmes, Burton a simplement décidé de se servir du conte. Une grand-mère explique l'origine de la neige à sa petite-fille. Et c'est à partir de cela que Burton va détourner le propos premier du conte pour en faire sa créature, sa profession de foi. Burton va, tout comme Jean Cocteau le faisait dans La Belle et la Bête conférer à son conte une aura mythique : on parle de « mythe » lorsque le sacré intervient de façons diverses et dramatiques dans la réalité. Edward acquiert donc un statut mythique dès qu’il arrive à Suburbia : Edward, le mort-vivant, le rêve descendu sur Terre, traverse le monde cruel et désespérant des humains avant de retourner finalement à sa solitude éternelle. Prenant la place divine de son Père, il donne au monde la neige et les rêves qui lui manquaient.

Le constat du conte peut sembler dur et même désespéré : le monde des humains ne peut changer, c’est un monde triste et aigri, noyé dans ses certitudes, sa routine et dans son fonctionnement ridicule. Le monde des humains ne peut plus changer : la différence y est impossible (Les habitants de Suburbia essaient de modeler Edward à leur image avec un compte en banque, une carte de sécurité sociale et une carte de parking pour « handicapés »… ) Être comme les autres ou accepter la solitude infinie, il n'y pas d'autres choix chez Burton. C’est un avertissement aux bien-pensants que l’on retrouve d’ailleurs dans toutes ses œuvres. Mais cette morale amère ne peut pas nous faire oublier que Edward Scissorhands est également un film qui magnifie la puissance, la force et le caractère éternel de l’amour. C’est pourquoi le film comporte deux fins. Burton a donc réalisé en fin de compte un conte de fées doux-amer absolument en phase avec l’époque dans laquelle nous vivons, se servant de certains codes du genre et en détournant d’autres : le conte de fées est donc avant tout chez Tim Burton un excellent moyen (pas un prétexte car Burton respecte le conte à qui il rend hommage ) de faire passer son message humaniste de tolérance. La morale d’Edward Scissorhands peut donc se résumer comme ceci : Si l’on arrive à faire fi de la différence, l’amour éternel est au bout du chemin.
steve locker
En résumé, c'est un bon film, quoi...
Misterpursoup
CITATION
Et puis la pluie de flocons sur Winona Ryder dansant lorsque Edward taille une figure sur la musique celeste de Elfman si c'est pas la plus belle scène filmée par Burton et une des plus belle des années 990... Ca me donne envie de le revoir direct là.

Par extension,tu viens de me donner envie de revoir direct ce chef d'oeuvre à la poésie singulière et envoutante ninja.gif
Absolument magnifique,à mon avis le meilleur Burton.En tout cas,indéniablement son film le plus personnel,véritable plongée dans l'univers torturé du personnage.
Hell citizen
C'est pour moi le meilleur film de Tim Burton, avec L'étrange noel de Monsieur Jack.
Kaneeda
CITATION
C'est pour moi le meilleur film de Tim Burton, avec L'étrange noel de Monsieur Jack.

Qui n'est pas un film de Tim Burton mais d'Henri Selick..mais bon après ca se discute...
D'ailleurs il ressort en version 3d au Publicis sur les Champs Elysées à Paris le 24 oct....
Hell citizen
CITATION(Kaneeda @ 14 10 2007 - 19:11) *
CITATION
C'est pour moi le meilleur film de Tim Burton, avec L'étrange noel de Monsieur Jack.

Qui n'est pas un film de Tim Burton mais d'Henri Selick..mais bon après ca se discute...
D'ailleurs il ressort en version 3d au Publicis sur les Champs Elysées à Paris le 24 oct....


Ah! c'est vrai, désolé. Donc oui Edward est le meilleur film de Tim Burton.
Misterpursoup
Enfin,L'étrange Noêl de Mr.Jack,c'est officiellement de Selick,mais Burton y a tant apporté que beaucoup s'accordent à dire qu'il est autant de Burton que de Selick,si ce n'est principalement du chevelu.
On y trouve tout de même tout les thèmes principaux de l'oeuvre de Burton,et une mise en scène et un univers visuel foncièrement ancré dans l'esprit général de son oeuvre.
Ed Wood
L'un des films que j'ai dû le plus voir dans mon adolescence. Le chef d'oeuvre de Burton (à égalité avec Ed Wood icon_mrgreen.gif ). D'une délicatesse touchante, jamais plus Burton n'atteindra ce zenith. Johnny Depp, en une seul prestation il devient le meilleur acteur de sa génération, arrive à faire passer toute l'universalité de sa condition. Entre comédie romantique et poème gothique, Burton nous parle de lui avec une sincérité émouvante qu'il n'assume plus dans ces derniers long.
Rien que par ce film Burton mérite de rester graver dans nos coeur de cinéphile.
Manna Marie Weasley
Tout pareil que le monsieur ci-dessus sauf que j'avais 8 ans (ça vous rajeunit pas...)

Je dois remercier la directrice de mon école primaire pour m'avoir fait découvrir ce magnifique bijou de Tim Burton...

La musique de Danny Elfman est inoubliable.
Dunadan
j'ai le dvd zone 1 édition anniversaire dans un superbe boitier métallique. et vu que j'ai "qu"'une PS3 en lecteur, je peux plus le regarder wallbash.gif
Kaneeda
CITATION
Enfin,L'étrange Noêl de Mr.Jack,c'est officiellement de Selick,mais Burton y a tant apporté que beaucoup s'accordent à dire qu'il est autant de Burton que de Selick,si ce n'est principalement du chevelu.
On y trouve tout de même tout les thèmes principaux de l'oeuvre de Burton,et une mise en scène et un univers visuel foncièrement ancré dans l'esprit général de son oeuvre.

Ben c'est bien pour ca que je dis que ca se discute en ce qui concerne la paternité de Nightmare before christmas
Bret Gimson
Et oué et quand on mate James & la Grosse Pêche, on se dit que Burton n'y est quand même pas pour rien dans la prod de NBC. Parce que c'est bien pourri James & la Grosse Pêche (elle ressemble à celle que j'ai posée chez Jacob ce matin, la pêche)
Le Toursiveu
Evidemment que L'Etrange Noël de Mr. Jack est un film de Tim Burton avant d'être un film de Henry Selick, y'a qu'à voir le titre original, Tim Burton's The Nightmare Before Christmas. Burton en a écrit le scénario, défini le design, créé tous les personnages, a produit le film... Le film aborde des sujets et des thèmes burtoniens en diable... Bien sur qu'il en est le père! Sur ce film Selick était une sorte de réalisateur invité aux ordres de Burton. Rien de honteux à ça d'ailleurs. J'imagine que Burton (ancien animateur) ne pouvait pas passer trois ans de sa vie à se consacrer uniquement à ce film, entre Batman Returns et Ed Wood. C'est un peu comme Walt Disney : on ne retrouve que son nom à lui aux génériques alors qu'il n'a jamais réalisé un seul de ses longs métrages (mais il a réalisé une bonne centaine de courts... ) Ca n'empêche pas Henri Selick d'avoir fait un boulot remarquable et d'avoir énormément de talent, même si ses films suivants James and the Giant Peach (assez attachant et produit à nouveau par Burton, cette fois sans le "Tim Burton's..." dans le titre, preuve qu'il s'agissait d'un projet moins personnel pour lui ) et surtout l'horripilant Monkeybone ont un peu entâché sa réputation...
Bad Jack
" Edward aux mains d'argent "... Perso j'ai d'abord découvert la BO du film qui aujourd'hui encore fait certainement parti de mon top 10 ! Et c'est donc avec énormément de plaisir que j'ai découvert ensuite les images correspondantes à ces musiques inoubliables... Très franchement, y'a d'la magie dans cette bande originale, c'est pas possible...

Concernant le film dans son ensemble, je rejoins plus ou moins l'avis général : c'est un petit chef-d'oeuvre ! La vision notamment que donne Burton de la " parfaite petite banlieue américaine " est aussi drôle que caustique... On oublie d'ailleurs assez souvent que malgré son aura de conte gothique et poétique, ce film est aussi et peut-être même avant tout une comédie... voir par exemple tout le délire sur Edward version coiffeur ou ses gaffes multiples! Bref... très bon film, notamment grâce à son joli scènar, à son esthétique soignée et à cette merveilleuse musique de Monsieur Elfman !

Pour finir... petite poursuite du petit hors-sujet...

CITATION(Le Toursiveu @ 15 10 2007 - 00:22) *
Evidemment que L'Etrange Noël de Mr. Jack est un film de Tim Burton avant d'être un film de Henry Selick, y'a qu'à voir le titre original, Tim Burton's The Nightmare Before Christmas. Burton en a écrit le scénario, défini le design, créé tous les personnages, a produit le film... Le film aborde des sujets et des thèmes burtoniens en diable... Bien sur qu'il en est le père! Sur ce film Selick était une sorte de réalisateur invité aux ordres de Burton. Rien de honteux à ça d'ailleurs.


Même avis... Beaucoup aiment sortir " Pfff, n'importe quoi petit cinéphile amateur... The Nightmare before Chritsmas, c'est pas Burton, c'est Selick... Allez, rampe cloporte "... mais franchement, l'esthétique, les thèmes, le scènar, le look des personnages, le style visuel en général... tout ça c'est la quintessence de l'univers Burtonnien : c'est simple, sans lui ce film n'existerait pas...
du matin... dur de chercher )
D'ailleurs, y'a un topic sur mon film cult... heu... sur l'Etrange Noël de Monsieur Jack ? ( 4h40 du matin... pas le courage de chercher et je fais confiance aux vieux du forum et à leur mémoire infaillible ).
Jake
Edward aux mains d’argent a donné naissance à un ballet qui reprend l’histoire de Tim Burton. C’est Matthew Bourne, chorégraphe qui s’est chargé de l’adaptation et à qui l’on doit déjà Swan Lake. Déjà rodé à Londres, fin 2005, le spectacle viendra à Paris, du 8 octobre au 2 novembre 2008, au théâtre du Châtelet. On pourra retrouver la musique originale crée par Danny Elfman jouée par 12 musiciens et accompagnée par une troupe de 30 danseurs.

gutbuster
CITATION(profondo rosso @ 14 10 2007 - 16:01) *
A la fois un magnifique conte moderne, un des film les plus personnel de Burton avec sa description peu ragoutante de ses petites banlieues pavillonaire qu'ils connait bien, reflexion sur sa propre situation de freaks à travers le personnage d'Edward pas à sa place mais qui aimerait tant être normal. Johnny Depp dans un de ses très grands rôle (look bien inspiré de Robert Smith Tim Burton est fan) et on a tous dû tomber amoureux de winona Ryder à l'époque. Et puis la pluie de flocons sur Winona Ryder dansant lorsque Edward taille une figure sur la musique celeste de Elfman si c'est pas la plus belle scène filmée par Burton et une des plus belle des années 990... Ca me donne envie de le revoir direct là.



http://fr.youtube.com/watch?v=wE-chJu95m4 rolleyes.gif

Mais pour moi les meilleures scenes sont celle là et celle-là (désolé je l'ai pas trouvé en VO sad.gif )





non mais c'est quoi cette histoire, seulement 2 pages pour un film pareil... pfff...
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