ça sent le topic bide mais bon grosse claque récente
Londres 1939. Sarah Miles, jeune femme fougueuse et passionnee, est prisonniere d'un mariage sterile avec Henry, un epoux riche mais qu'elle rejette. Au cours d'une fete, elle fait la connaissance de Maurice Bendrix, un romancier. C'est le coup de foudre. Apres quelques annees de cet amour illicite, un obus frappe la maison de Bendrix tandis que les deux amants sont ensemble. Pendant quelques minutes, Sarah croit Bendrix mort. Lorsqu'il reapparait quelques instants plus tard, Sarah, bouleversee, met brutalement fin a leur liaison sans un mot d'explication.
Un mélo flamboyant et assez inclassable mélange de classicisme assumé par sa fabuleuse mise en image, mais qui par sa contruction, les thèmes et les questions qu'il pose parvient à tutoyer les sommets du genre comme le "Brève rencontre" de David Lean auquel on pense souvent.
Adapté d'un livre semi autobiographique de Graham Green, le film surprend par le style de sa narration. La première partie se déroule sous le point de vue de l'amant éconduit interprété par Ralph Fiennes. Dans un brillant montage alterné on découvre tour à tour la rencontre et la passion dévorante passée des deux amants puis leur pathétique retrouvaille quelques années après la rupture le tout accompagnés d'une voix off pleine d'aigreur et de haine de Ralph Fiennes. Le passé et le présent se répondent à merveille pour traduire le fossé émotionel entre les deux époques et créant la confusion chez le spectateur : les mêmes escaliers menant à la chambre qu'on remonte torride avec l'amante ou de manière pathétique avec le mari dans l'espoir de la revoir, une sortie dans le même restaurant des amoureux transi puis un tête à tête chargé de rancoeur et de non dit.
Une surprenante révélation à mi film renverse la situation en adoptant le point de vue du personnage de Julianne Moore qui si distant jusque là en devient bouleversant. Une relecture des scènes de la première partie oriente le film vers le drame poignant teinté de fantastique avec un questionnement sur la foi face au sacrifice que doit faire le personnage de Julianne Moore. Jordan parvient à traduire ce tourments de sentiments par sa mise en scène inspirée mélange d'emphase et de sobriété : des scènes de sexe d'une grande intensité (et qui font la différence avec les classiques qui ne pouvaient se le permettre) où les amants teste leurs amour en poursuivant l'acte alors que les bombes pleuvent sur la ville, une mort (et oui ça finit mal spoiler) déchirante tout en pudeur et en retenue. La photo de
Roger Pratt est un véritable rêve éveillé avec ses couleurs saturés rendant Londres tour à tour fantomatique et sombre dans les moments dramatiques (les scènes de pluie bleutées sont hallucinantes) ou éclatant lorqu'on nage dans le bonheur. Le tout rappelant souvent l'autre somptueux mélo à venir, "Loin du Paradis" de Todd Haynes toujours avec Julianne Moore. Score grandiose et inspiré de Michael Nyman également dont le ton lyrique accompagne parfaitement les images.
Interprétation magnifique des acteurs principaux qui dépasse le clichés du triangle femme, amant et mari. Loin des clichés du héros romanesque, Ralph Fiennes interprète un amant jaloux rongé par le doute en colère contre un Dieu auxquel il ne croit pas et qui au final ne se remet pas en question. Stephen Rea habitué de Jordan est fabuleux en mari résigné à la personnalité complexe qui une nouvelle fois dépasse le cliché attendu. Quand à Julianne Moore c'est sans doute là son plus beau rôle (avec "Loin Du paradis"), Jordan lui conférant un aura de quasi sainte et mettant en valeur sa beauté comme personne auparavant. Malgré 4 nominations aux Oscars (meilleur film, musique, actrice et photo) un film un peu oublié et passé inaperçu (et bien assassiné par la critique à sa sortie en France) dommage. 5,5/6