Aide - Recherche - Membres - Calendrier
Version complète : Beloved - Jonathan Demme
Mad Movies > Forums Discussions > Cinéma Fantastique
Capitaine Vimaire
Attention spoilers
Synopsis : En 1873, dans le sud des Etats Unis, l'ancienne esclave Sethe et sa fille Denver sont confrontées au fantôme de la fille que Sethe perdit bien des années auparavant. C'est alors que Paul D, un vieil ami, surgit du passé douloureux de Sethe et s'installe avec eux. Peu après apparaît une étrange créature à peine capable d'articuler son prénom : Beloved. Sethe et Denver, contre l'avis de Paul, décident d'accueillir la jeune fille.

Que dire de ce film ? Par quel bout commencer ? On ne saurait dire tellement cette oeuvre est dense, riche et intense. A vrai dire je viens juste de le découvrir et je suis encore sous le choc !

C'est en tout cas une oeuvre courageuse et hybride qui sur la base d'un sujet académique, la condition des noirs à la fin du XIX°, n'hésite pas à plonger dans le film fantastique pur et dur. D'ailleurs la réalisation de Demme ( formé à l'école Corman rappellons le ) renforce le plus souvent possible sa filiation au genre ( voir les scènes du début avec la colère du fantôme ).
Demme parvient à merveille à créer une ambiance forte, palpable. C'est l'atmosphère à la fois douce, envoûtante et mortifère du " Vieux Sud " qui défile sur notre écran. La nature y est belle, ensorcelante, langoureuse sous le poudroiement de la poussière et du soleil. Mais cette beauté côtoie la misère, le dénuement des premiers afro-américains " libres ". Une communauté marquée par la fatalité, traumatisée par l'épouvantable crime que fut l'esclavage.
Et là réside l'originalité de Beloved qui dresse un portrait implacable de l'esclavage en montrant les marques indélébiles que laissa cette horreur à ceux qui en furent rescapés. Dans le film cela passe par Paul D. et Sethe tout deux survivants de "Sweet Home" ( quel nom ironique ! ), ferme où ils étaient esclaves. Passé dont aussi bien le corps ( les coups de fouets qui dessinèrent un merisier sur le corps de Sethe ) que l'esprit portent les marques.
Sethe ( magnifiquement interprétée par Oprah Winfrey ), même libre, reste enchaînée par la douleur, le deuil et le remords. Son passé est trop lourd à porter, son histoire bien trop traumatisante ( et pas qu'un peu ! Son histoire est vraiment atroce ! ). De fait, brisée par l'esclavage, Sethe n'arrive plus à vivre et vit cloîtrée avec sa fille Denver ( Kimberly Elise... Une révélation ! ) dans le ressassement perpétuel de son dur passé. Le fantôme qui les hante représente ce que la servitude arracha de plus précieux à Sethe. Le rappel incessant qu'elle était une esclave et que sa liberté se paya au prix du sang. Comme la nation américaine qui ne sut imposer l'affranchissement, et ce sous une forme très imparfaite, qu'au prix de l'atroce guerre de sécession.
L'arrivée de Paul D. ( Danny Glover ) semble un moment pouvoir la ramener à la vie. Hélas la venue de Beloved ( Thandie Newton, trop souvent borderline... Mais en même temps il faut voir la difficulté de son rôle ) vient réveiller ses traumatismes de la plus perverse et insidieuse des manières c'est à dire en promettant l'espoir et le bonheur alors que seul le mensonge et le malheur attendent au bout du chemin. Beloved, à la fois enfant dans un corps de femme en perpétuelle quête d'amour et esprit vengeur, enferme encore plus Sethe dans son passé et l'empêche d'aller de l'avant, de vivre, d'être enfin libre. Un passé dont les réminescences surgissent sous la forme de flash backs cauchemardesques ( les hommes outrageant Sethe dans son corps et sa maternité ). Un passé qui ne quitte jamais Sethe car les dernières esclaves nées en Afrique lui ont demandé de ne jamais l'oublier à la pendaison de sa mère ( scène, au passage visuellement terrassante ), esclave née en Afrique. Se rappeler est alors pour Sethe un devoir, celui d'honorer la mémoire de ceux qui ne connurent jamais la liberté. Mais ces souvenirs elle les garde pour elle et n'en parle jamais ( sauf devant Beloved ) à l'instar de Paul.
A l'opposé de Sethe se trouve les flash backs lumineux perpétuant le souvenir Baby Sugar, la grand mère de Denver, une vieille femme charismatique qui ne connut quasiment que la servitude et qui au crépuscule de sa vie, et alors qu'elle devint enfin libre, représenta l'espoir de sa communauté, une figure pleine d'amour qui si elle demandait de pleurer en souvenir des douleurs passées n'en demandait pas moins, et surtout, de rire, de danser et de vivre. Une vieille femme qui aimait s'entourer des enfants, symbole d'un avenir où les afro américains ne connaîtraient plus les chaînes. D'ailleurs Denver, au détour d'une scène à la fois crue et émouvante, naît libre dans une barque à un moment où la liberté semble promettre un avenir radieux à Sethe.
La conclusion du film, douce et superbe, parachève alors cette ode à la vie. Toutefois la fin de Beloved ( le personnage pas le film ) elle même est décevante en raison d'un aspect rop grotesque ( alors que jusque là le film flirtait à la lisière sans jamais y sombrer ! ).
Reste tout de même une oeuvre monstrueuse qui en plus d'être émotionnellement intense offre un portrait assez précis des conditions de vie difficile des noirs au lendemain de l'affranchissement ( misère extrème, analphabétisation, ghettoïsation, ... ). De plus le scénario est irréprochable ( j'ai hâte de lire le roman de Toni Morrison ), la photo est magnifique ( signée Tak Fujimoto tout de même ), l'interprétation est au diapason et certains plans marquent durablement la rétine ( Beloved naissant de la rivière, Beloved recouverte d'insectes ).

A vrai dire il ya encore énormément de choses à dire. Mais j'y reviendrais plus tard.

L'archiviste
S'il y a bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas en allant voir ce film, c'est d'avoir PEUR ! ninja.gif

Il y a, vers le début du film, cette séquence où Danny Glover pénètre dans la maison et dépasse, en travelling latéral, le rideau rouge duquel provient un grondement sourd. Le plan fait directement référence à un autre titre célèbre de Demme (qui commence par Le Sil... et se termine par ...gneaux) où l'héroïne traversait un couloir de prison.
J'ai trouvé ce passage de Beloved juste... flippant.
(faut dire que la non-préparation de mon esprit participait beaucoup de la peur, donc là j'ai gâché le truc à ceux qui l'ont pas vu)
Corenaïr


Très belle affiche, en tout cas. Et vu que ton article m'a convaincu et qu'il est dispo sur amazon à 6 euros, je vais me le commander, tiens.

Hey l'Archi, il faut que je te parle d'un truc, mais ta messagerie marche pas.
Corenaïr
Non, ça ne marche pas. ^^

tu peut essayer sur mon adresse mail ? ou m'envoyer la tienne ?

dévédé commandé au fait, j'ai hâte de voir ça.
Diane
Certainement le meilleur film de Demme avec Le Silence des Agneaux, et dépassant ce dernier dans la beauté et la poésie déliquescente qu'il dégage. Un drame remarquable utilisant des ambiances de film fantastique en les assumant à cent pour cent.

5/6
Zak
Découvert il y a peu et passé le côté atypique de la chose (certaines séquences semblent sortir d'une oeuvre de Clive Barker blink.gif), j'ai eu beaucoup de mal avec le rôle de Thandie Newton. Elle est insupportable dedans.

(pas le meilleur Demme en somme, je préfère Le Silence des agneaux, et surtout Philadelphia).
Capitaine Vimaire
C'est vrai que Thandie Newton surjoue à mort... Moi aussi j'avais du mal ! Mais en même temps le rôle doit être super difficile à jouer...
Par contre c'est vrai que l'on pense à Clive Barker et notamment à Candyman ( c'est bien tiré d'une de ses histoires ? ).
Freesinker
Tiens, ça me donne envie de le voir ce film blink.gif
J'ai lu le livre de Toni Morrison (très bien d'ailleurs), et je l'ai même étudié en cours. Je suis assez curieux de voir le rendu filmique smile.gif
Ceci est une version "bas débit" de notre forum. Pour voir la version complète avec plus d'informations, la mise en page et les images, veuillez cliquer ici.
Invision Power Board © 2001-2009 Invision Power Services, Inc.