Quand on attend depuis un bon bout de temps de voir un film que l'on vous promet mythique, autant dire que la peur de la déception est de mise au moment fatidique... Mon verdict serait donc que "Near Dark" est un grand et beau film, mais sans doute pas le meilleur de la réalisatrice.
Sur le plan thématique, c'est une véritable matrice, mais on pouvait aussi s'en douter sans l'avoir vu: l'oeuvre de Bigelow traite essentiellement du vampirisme au sens figuré, avec des héros pris dans une certaine forme de dépendance (des brulures de "Near Dark" à celle de "K.19", en passant par les transes parfois mortelles des clips de "Strange days", c'est une mème répercussion sur le corps). Il n'est donc pas étonnant de voir ses grands débuts sous le signe d'une véritable lecture personnelle du mythe. Situé en pleine amérique profonde, on serait tenté maintenant à comparer le film avec le récent "Vampires" de Carpenter, mais Bigelow s'éloigne encore plus des conventions. Pas de pieux ni une seul trace de gothique là dedans, la référence la plus évidente, s'il fallait en mettre une, étant "Mad Max".
Le début du film est proprement merveilleux, installant son histoire d'amour avec douceur et lancinance. Tombé sous le charme de Mae, Caleb suit la jeune fille jusqu'a attendre lentement sa morsure, le temps aussi qu'il se sente envahir par le monde de la nuit, qui le tiendra sous sa coupe. Le style visuel est absolument magnifique, chaque éclairage créant une émotion...
Le film est aussi chargé à ce niveau que les oeuvres de l'époque signé Steve Barron ou Russel Mulcahy, une certaine filliation avec le vidéo-clip, mais qui reste uniquement au niveau de l'esthétique. Dérrière, la réalisatrice fabrique des scène et pas seulement des images, montés frénétiquement ou agissant par gratuité. Et si comme dans le "Blue Steel" qui lui suivra, on ne retrouve pas encore la véritable maestria du mouvement, ou le sens de l'ampleur qui caractériseront les "Point Break" (qui fit de l'auteur la metteur en forme majeure du sentiment d'adrénaline) , "Strange Days" et "K.19", il y a dans ses premiers film un sens de l'embiance qui n'est plus aussi pure dans son cinéma d'aujourd'hui.
"Near Dark" est bourré de scènes sublimes: Caleb traversant son champs en cramant, les véritables scènes d'amour ou il se fait nourrir par Mae ( le personnage masculin est encore un enfant qui n'ose se nourrir par lui-mème, et le héros en revient toujours à se tourner vers sa nouvelle compagne), L'"Assaut" en pleins jours du motel des réfugiès... Le film fabrique des situations totalement inédites qui l'inscrivent irrémédiablement comme modèle du genre.
Le groupe des vampires est traité de telle manière qu'on se prend immédiatement de sympathie pour eux. Sous la direction d'un Lance Henricksen hyper charismatique, on entre dans leur logique de famille et de groupe... Le thème de la communauté va devenir récurrent aussi chez la réalisatrice. Et comme dans "Point Break", on s'attache à tous le "mauvais côté" que visite le héros, en y découvrant toute l'humanité et la détresse qu'il contient.
SPOILERS
A la fin de "Near Dark", Caleb sauve Mae du monde de la nuit de la mème manière que cette dernière l'y avait entrainé.
Une histoire d'amour à la base du film, qui en fait surtout un récit d'apprentissage. Le héros en sort plus adulte...
FIN DE SPOILER
La musique de Tangerine Dream est pour beaucoups dans l'hypnotisme que l'on a devant certaine scènes, mais je lui reprocherait d'être parfois inégale et un peu trops présente. Aujourd'hui, c'est surtout elle qui date un peu le film. C'est loin d'être aussi réussi que ce qu'a pu faire vangélis sur "Blade Runner".
Voilà, donc Filmo Bigelow:
The Loveless: pv
Near Dark: 5,5/6
Blue Steel: 4,5/6
Point Break: 5,5/6
Strange Days: 6/6
Le Poid de l'Eau: 3/6
K.19: 6/6