(Peut-etre ca a plus sa place dans le forum Melomad)…
Bonjour a tous !
Un post enflamme pour dire que non, ca ne va plus : il y a quelque chose de pourri dans le monde de la musique hollywoodienne. La musique asphyxie, tue nos films ! Vous savez, c’est comme en foret : il y a des grands arbres, et puis dessus y a du gui, du lierre, des mauvaises herbes qui etouffent, empechent la plante completement de respirer, et la crevent, a terme. Ou plutot, c’est comme un flan delicieux, qu’on aurait noye dans 6 litres de creme anglaise.
Ben voila, c’est ca la musique dans les films hollywoodiens de nos jours. Y a pas un instant de silence : a chaque instant, y a des nappes de cordes, de cuivres qui soulignent (1) et servent de bouche-trou (2).
(1) Le « je souligne lourdement » : ca devient systematique : des qu’il y a une scene tragique, hop, cordes larmoyantes. C’est pas nouveau, mais ca atteint de ces proportions ! C’est comme Pavlov, mais a l’envers : c’est pas la musique qui declenche les larmes, c’est les larmes qui declenchent la musique. T’as l’impression que t’as le chef d’orchestre qui lorgne sans cesse du cote de l’ecran, qui se dit « Houla, ca a l’air un peu tragique, la », et boum ! Tagada-tsoin-tsoin-ploum-ploum-tralala (je crois que sans Gotlib, on aurait jamais eu ces magnifiques onomatopees ^ ^). Mais l’effet pervers est celui-ci : ca peut potentiellement attenuer considerablement l’emotion. Par son usage extensif, c’est tres chiant. Apres tout, les grandes douleurs sont silencieuses, on le dit. Et les larmes, si c’est pas un moment de silence absolu, de tranquillite terrible, ponctuee de reniflements… Mais la tout se suite, la musique en fait une fiction… alors qu’un peu de silence rendrait a l’emotion son cote plein, entier, et aussi direct, rude, voire violent. Ca pourrait meme favoriser l’identification, faire coller au plus pres au personnage principal… Mais la, souvent, on a l’impression qu’on nous force la main, qu’on nous force l’emotion. Un pitit exemple : Scarface, premier du nom (en N et B, donc). La mort de la copine de Scarface : silence total, juste la voix de Scarface qui regrette. La, y a pas d’esthetisation de sa douleur : et pourtant ca tape juste.
Bien pire encore : les documentaires ! Alors la, c’est ZERO. Exemple : La liste de Carla : enrober de nuages de violons et de violoncelles une mere qui pleure sur la tombe de son fils assassine pendant la guerre de Yougoslavie, c’est pas pardonnable. Ma reaction immediate : « He ho ! C’est reel, on est pas Hollywood ici ! ». La aussi, c’est du forcage d’emotion, c’est pas honnete et on sort de la pretention d’objectivite (toute relative on le sait, dans l’intention, le scenario ou l’angle) du genre documentaire.
(2) Le « je deballe mes cataractes de double-croches parce qu’il se passe rien » : la aussi systematique. L’exemple le plus marrant : le debut de En pleine Tempete. La musique en fait des tonnes, dans le genre larges plages de cordes degoulinantes, exaltantes… et qu’est-ce qu’on voit ? Des types qui dechargent du poisson ! Un peu plus, et c’est ainsi parlait Zarathoustra ! Meme Jurassic Park : un helicoptere atterrit, et c’est parti. Ca donne presque l’impression que les cineastes savent plus gerer les intervalles dans leur recit.
Je regardais Arsene Lupin l’autre jour (film francais, mais foutrement hollywoodien, dans son intention et dans sa forme) : Nardin j’avais l’impression d’etre dans un supermarche a la fin… Le heros peut pas marcher dans la rue sans qu’une musique pompeuse, enigmatique et grandiose le colle comme une sangsue symphonique. (je te dis pas l’explosion de cuivre quand il s’achete un sandwich). Ben ca engourdit le tout, ca uniformise chaque scene, ca lasse l’oreille, et ca souligne a grand renfort de petards des moments anodins et par contrecoup affadit les moments importants. Pas brillant… voire franchement importun.
Autre probleme : l’impavide monolythisme des soundtracks. Nan mais elles se ressemblent toutes, ces survivances exsangues de la grande tradition de la musique classique : les memes notes, les memes compos, les memes effets. Je te jure, t’as des fois l’impression que y a que 4 notes sur la gamme. (c’est net, je sais pas moi, sur Alien Versus Predator : t’as les trois notes presents sur tous les films d’horreur ou presque). J’ai la dent dure, y a des baguettes et des compositeurs excellents, voire geniaux, dans le circuit. Mais bon, ils commencent a etre les exceptions dans les partoches composees au kilometres, sans inspiration et surtout repompees de partout (Holst etant le plus celebre, mais meme parmi leurs confreres BOFomanes).
Ce qui m’amene a poser les questions suivantes :
- Cette debauche de musique est-elle recente, ou est-elle attestee plus anciennement (un detour par le cinema muet ?) ?
- Y a-t-il des gens qui partagent mon sentiment ? Est-ce que des films vous ont ete gaches par une musique redondante et omnipresente ? Quid du volume ? (il me
semble que la musique est jouee plus forte qu’avant dans les films, non ?)
- Quel est le role de la musique dans les films ? Quels sont les usages possibles de la musique au cinema ?
- Vous souvenez-vous d’un usage particulierement inventif de la musique dans un film ? (la ca devient plus vaste !)
- Y a-til eu des etudes serieuses, documentees et accessibles sur l’usage de la musique au cinema (Archiviste, je regarde vers toi !)
Voila, a vous Cognacq-Jay.
NOTA : Considerez quand meme les choses suivantes : je ne nie pas toute efficacite a l’usage de la musique hollywoodienne dans les films (rien que le theme de Star Wars ou de Superman, au bon moment c’est sublime).