Dark City , d'Alex Proyas .
Une oeuvre sombre , paranoïaque et racée , qui peut légitimement prétendre au statut si galvaudé de film culte .
Le métrage s'ouvre sur le réveil nauséeux et chancelant de John Murdoch dans la baignoire d'une miteuse chambre d'hôtel . Alors qu'il tente péniblement de recouvrer ses esprits, un coup de téléphone retentit : une voix haletante l'avertit qu'il doit fuir , au plus vite , car ils viennent le chercher, en fait ils sont déjà là... Alors qu'il se dirige en hâte vers la sortie , Murdoch aperçoit le cadavre mutilé d'une prostituée... Est-ce lui qui a tué cette femme? ¨Pourquoi ne se souvient-il de rien?... Les réponses qu'il tentera d'apporter à ces questions feront chanceler la réalité même ...
Dès lors débute une course poursuite entre Murdoch et les Etrangers , lugubres croquemitaines en imperméable noir et feutre mou , qui se poursuivra durant l'heure et demi de métrage . La fuite vers l'avant , le mouvement continu et irréfléchi ,constitue pour moi l'essence du cinéma , art de l'image dynamique; le film ne voit jamais son rythme ralentir ni l'intérêt du spectateur fléchir , preuve qu'on peut être beau , captivant et pas forcément vide , comme voudrait le faire croire une certaine critique pour laquelle un film intelligent est nécessairement dépourvu d'action .
Dark City est une oeuvre sous influences , mais celles-ci sont digérées avec bonheur et bâtissent un univers cohérent , dense et original . Le film emprunte au roman noir , à la bédé hard-boiled , à l'expressionnisme allemand et aux ambiances cauchemardesques de Kafka . On oscille entre l'horreur , le fantastique et la science-fiction sans jamais trouver l'ensemble bancal ou difforme .
Le climat oppressant et dépressif gagne très vite le spectateur et l'accule . La photo est superbe , comme le travail sur les ombres et l'architecture de cette instable cité ténébreuse .Le Métopolis de Lang apparait comme un palimpseste , tout comme Gotham dans une moindre mesure . Il est étonnant de constater combien le film, antérieur , évoque et surclasse des oeuvres comme Truman Show ou Matrix . La trilogie pompe d'ailleurs de manière éhontée des pans entiers de Dark City , notamment le combat final entre Murdoch et le chef des Etrangers . Et qu'on ne vienne pas me dire que les deux films se préparaient en même temps , car la scène que j'évoque se retrouve à la fin de Matrix 3 , quand Néo affronte Smith .
SPOILER.
Le métrage contient des plans inoubliables ( la brêche qui s'ouvre sur l'univers , les transformations de la ville ) et compte d'habiles idées de mise en scène ( les poursuites sur ces immeubles mouvants ) . J'avais bizarrement oublié la fin du métrage , très optimiste et peu en adéquation avec le ton général du film... Sans doute une contrainte des producteurs... Dommage donc de ne pas avoir poussé le désespoir à son paroxysme ; reste que la fin héroïque est très plaisante tout de même , et l' injection de la piqûre de souvenirs , avec son apprentissage de mémoire accéléré , des plus jouissives .
END SPOILER.
Le casting n'est pas en reste , Sewell compose un Murdoch crédible et attachant; les seconds rôles sont tout aussi excellents , Kiefer Sutherland en tête , qui interprète un docteur torve et claudiquant , qui trouvera cependant sa rédemption . Jennifer Connely est superbe , comme de coutume, et William Hurt joue fort bien un détective méthodique et pugnace qui va peu à peu voir son monde s'effondrer . Le score de Trevor Jones , climatique et angoissant , fait honneur aux images de Proyas .
Un film gothique et visionnaire, à la fois ludique et profond quand il questionne la notion de réel , bref une authentique réussite en tout cas . Déplorons la suite de la carrière de Proyas, clairement en deçà de ce que cette petite perle noire laissait présager...
6/6
On notera , sur le DVD , une brève entrevue avec le débonnaire et érudit Rafik Djoumi , qui parle des nombreuses influences du film de manière plus entraînante que je ne l'ai fait plus haut . Le genre de gars qu'on serait ravi d'avoir à dîner pour de longs échanges tumultueux... Euh à dîner hein , pas d'équivoque...
Sinon je commence à mater Blue Velvet et ...
le film de malade !! C'est ma première fois et ça s'annonce énorme... Hopper sous coke Powwa!