Le Labyrinthe de Pan SPOILERS
Œuvre poétique sur toile de fond politique, le nombre de métaphores, symboles et autres éléments de ce film créent une fable touchante d’une noirceur gothique riche de niveaux de lecture sur le pouvoir, l’enfance, la quête de soi, la perte de l’innocence etc. Mais tout est dit après 60 pages
(
certaines analyses sont brillantes d’ailleurs).
Conte horrifique habillé d’une esthétique sombre et bleutée, et peuplé d’un bestiaire inquiétant respirant l’aura Del Torienne, cette œuvre est un dédale émotionnel narrant les derniers jours d'Ofelia, où l’atroce côtoie le merveilleux, et l’innocence la violence ; si rêve et cauchemar se fondent, le tableau s’achève néanmoins sur un portrait magnifique, violent, fataliste (
mais là, on est d’accord, la question divise et l’ensemble n’est qu’affaire de sensibilité…).
Amha donc, l’univers fantastique du film est un échappatoire sublimement créé par Ofelia en réponse à l’horreur de sa réalité (
du reste, le livre que lui remet le faune est vierge, c’est son imagination qui l’écrit)…D’où les parallèles quasi-omniprésents entre les épreuves de son monde et la réalité…Sans répéter l’intégralité du topic, difficile de ne pas deviner en effet les échos entre la grenouille qui empêche l’arbre de vivre et le bébé qui dégrade la santé de la mère d’Ofelia, la fable de la rose immortelle et son symbole sur l’enfance, ou encore la thématique de la nourriture, sa signification et ses échos que l’on retrouvent à la fois au dîner de Vidal, la réserve, dans la salle du Pale Man…Sans parler du Pale Man lui même, projection imaginaire de Vidal…mais une fois encore après 60 pages de topic, tout a déjà été évoqué
.
Bref, une œuvre émouvante
(servi par une excellente prestation de Sergi Lopez) où Ofelia, dont le père est mort et le beau père un franquiste sadique dont elle ne peut accepter la parenté "forcée", se crée un monde empreint de poésie et où, après avoir traversé ses épreuves…elle retrouvera bien sûr une filiation imaginaire et idéale : ses parents du Royaume des Abîmes.
Quant au possible message, le film évite l’écueil d’un manichéisme trop acharné dans la mesure où le traitement de ce conte (
conte traditionnel dans la mesure où l’on retrouve tout ce qui les caractérisent tel que défini par Vladimir Propp ou autre Bettelheim...mais qui dépasse cette définition et son impact par son esthétique et sa fin amha) ne semble pas tirer le rideau sur l’idée que s’échapper du réel via l’imaginaire est néfaste, mais plutôt, à l’inverse, sur l’idée que l’imaginaire permet de voir le monde différemment et qu’il est un élément plus que nécessaire…idée à laquelle se greffe un final déjà développé par d’autres, «
grandir est aussi accepter que l’horreur n’a rien d’autre qu’un visage humain ».
6/6