(Oui, bon, je sais que je devrais me calmer avec mes posts maxi-longs, mais là c'est la faute d'Elego qui me relance. Après j'essaierais d'écrire des posts d'une ligne à la Darklinux, promis)
@Elego : Bon, déjà je me rends compte que je ne t'avais pas répondu pour ce qui est de l'évolution des personnage.
D'abord, tu as raison sur un point : la présentation des personnages au début de Reloaded est importante, dans le sens où elle permet de les montrer sous un autre angle (Morpheus en premier).
Maintenant, et comme je l'ai dit plus haut, le passage qui est "pretexte", pour moi, c'est tout le moment où Neo se demerde pour aller à la source (c'est-à-dire l'écrasante majorité du film, en fait).
Avant ce moment, il y a quelque chose comme 15/20 minutes qui servent à présenter les personnages et les nouveaux lieux, à donner vite-fait les enjeux (les machines vont bousiller Zion) et à rappeler au spectateur que même si Neo vole c'est toujours la merde.
Puis le passage dont je parle, où l'intrigue fait du surplace et où les personnages n'évoluent pas.
Enfin, à la toute fin (dans les deux dernières scènes) les personnages apprennent par Neo que la prophétie n'en est pas une et le spectateur apprends que les vaisseaux humains ont merdés grave car un EMP a été déclenché. Morpheus fait une grimace. Fin.
Pour reprendre l'exemple que je donnais plus haut, ça me fait le même effet que si dans le premier Matrix la scène où Neo s'échappe de son job en passant par les toits duraient tout le film, l'impression qu'un élément narratif pas forcément fondamental est étiré à l'extrême.
Et encore une fois le fait d'avoir un scénario prétexte (qui plus est dans un film d'action) n'est pas un défaut, juste un point que je trouvais intéressant de souligner étant donné que les Wachos tenaient absolument à faire deux films.
Ca me donne l'impression qu'ils ont consciemment fait un film où l'intrigue n'évolue que très peu et qui leur sert juste à expérimenter et à foutre des références ou dialogues sur la causalité - là où Révolution est largement plus classique.
Bon, maintenant passons aux choses sérieuses
D'abord, ce qui me dérange surtout dans le discours de l'ami Djoumi, c'est la partie sur l'évolution de la société (très simpliste) reliée à un discours psychanalytique (trop simpliste, limite con-con sur les bords) pour expliquer l'évolution du cinéma d'action.
Quand à son avis sur le cinéma en question, il est pas forcément faux, mais teinté de mauvaise foi.
Pour lui, il y a deux archétypes du héro hollywoodien :
=> John Wayne. Un homme, un vrai, un dur. Il a une grosse bite, mais il a pas besoin de la montrer : on
sait, rien qu'a le voir, qu'il en a une grosse, et il viendrait à personne l'idée de le défier. John Wayne c'est l'homme d'action qui débarque en ville avec sa gueule burinée, flingue le méchant, se tape sa veuve, la bute, et repart une bouteille de whisky à la main le tout en dix minutes chrono. Il n'a peur de personne, il traite les femmes comme des objets, mais c'est ce qu'elles veulent : à la vue d'un vrai Mâle elle redeviennent femelles et sont prête à tout pour avoir l'honneur d'être prise par lui.
=> Le nouveau héro des années 2000 : une tapette. Il doute de lui, il se demande si c'est bien de taper les gens, si ses actes sont justifiés, et patati et patata... Il prends des poses de poète maudit et trouve que la vie c'est trop dégueulasse, et même que ses parents ont pas voulu lui offrir le poney qu'il voulait pour Noël et depuis il a trop la haine. Il est jeune, beau garçon, propre sur lui, et adore mettre en évidence ses biceps, et si possibles les frotter contre d'autres garçons torses-nus et en sueur qui poussent aussi des petits cris pendant que le caméraman zoome effrontément. Les femmes trop féminines lui font peur, et il oscille entre des femmes-enfants plus proche de l'amie/grande soeur que de l'amante (et au lieu de les prendre sauvagement cinq minutes après les avoir rencontrées il leur vole un bisou à la fin du film) et des figures maternelles qui lui font la morale quand il a fait une bétise.
S'il fallait mettre Neo dans une case, ça serait plutôt la seconde, et de loin. Tu me réponds que Neo est en pleine initiation, mais le concept même d'initiation est à mettre dans la seconde catégorie : t'imagine un John Wayne tout jeune tout con qui apprends à devenir un cowboy ? T'imagine un John Wayne Begins sur ses origines et où on t'explique pourquoi il a une grosse bite ? Tout le concept de la quête du héro et du mono-mythe est à lui seul une opposition au cinéma hollywoodien que regrette Djoumi : on s'en branle du midinet qui apprends qu'il est l'élu, on veut voir un un homme, un vrai, qui est déjà un mythe à lui tout seul et qui va massacrer toute l'armée ennemie avec juste sa bite et son couteau. Un homme, un vrai, quand il arrive sur l'étoile noire et qu'il tombe sur la princesse, il se laisse pas engueulé par cette grognasse : il lui fout une torgnole, la renverse sur une table, la baise et quand il a fini la jette dans un sas spatial, direction l'infinie et au delà !
(Quand à Trinity, j'avoue que j'ai un problème avec le personnage, elle me semble trop... je sais pas... trop creuse. Et c'est pas Revolutions où elle a droit à des répliques nazes et à une mort franchement honteuse qui m'a aidé à revoir le perso à la hausse. A partir de là, j'ai du mal à être ému par sa relation avec Neo).
Pour être plus sérieux, le premier problème avec Djoumi (outre que les deux catégories sont en elle-mêmes très discutables, et qu'il aborde le renouveau du cinéma d'action sur un angle exclusivement Zemmourien, angle qui est déjà très simpliste à la base), le premier problème donc c'est que les films qu'il aime (de Matrix à Hellboy, donc, mais aussi Star Wars et compagnie j'imagine) vont d'office dans la catégorie 1, alors que les films qu'il n'aime pas vont d'office dans la catégorie 2.
Mine de rien, le raisonnement est déjà totalement biaisé.
Le deuxième problème, c'est qu'il part du principe que si on arrive pas à s'identifier à un personnage, c'est forcément pour des raisons psychanalytiques, en oubliant un peu vite les qualités intrinsèques du film. Je crois sincèrement qu'on peut aussi bien s'identifier à un cowboy grognon qu'a un homosexuel qu'a une femme qu'a un noir à partir du moment où le personnage est bien écrit et (surtout) agit d'une manière a peu près cohérente, et que problème des films qu'il cite viennent plus de leur scénarios de merde que d'autre chose. Après, on peut tout à fait préférer John Wayne et Jean Gabin à Luke Skywalker et Neo, ou l'inverse, mais.
Enfin, le simple fait de considérer le succès d'un film est du quasi-exclusivement à l'identification au personnage principal me semble très limité - The Dark Knight, par exemple, me semble surtout profiter du contexte géo-politique et de la mort de Ledger.
Accessoirement, le couplet sur les jeunes d'aujourd'hui qui ont grandis sans leur père (ou qui ont été élevé par une tafiole, voir plus haut) et qui sont responsable de tous les changements culturels et sociaux depuis trente ans a tendance à me faire lever les yeux au ciel.