Attention, avis négatif. Il est préférable d'avoir vu le film avant de lire ceci
Il n'y a pas grande gloire, à mon avis, à ruer dans les brancards des conventions cinématographiques (surtout françaises qui pourtant, en ont besoin) en affichant un discours brouillon, faux-cul et péteux comme le fait
Martyrs. Autrement dit vouloir choquer à tout prix de manière poussive sans rien proposer de plus ne peut pas vraiment déboucher sur du cinéma et encore moins du cinéma de genre, plus précisément celui qui donnait des films comme
L'Exorciste auquel
Martyrs m'a fait parfois penser, pendant de très courts instants, comme une version honteuse et pénible. Une version française ?
Pourtant, Laugier, derrière son cynisme, semble aimer le cinéma de genre. Même à travers les interviews du monsieur, où il manque cruellement de lucidité et, j'ose le dire, à mon sens, de sincérité, comme si tout cela relevait pour lui dans le fond d'une grosse plaisanterie. C'est peut-être une protection, ou alors peut-être que cet auteur est comme je l'ai ressenti, très hypocrite, et d'abord avec lui-même dans son travail artistique. Oui, dommage que les meilleures intentions ne fassent pas toujours les meilleurs films, surtout quand ces dites bonnes intentions ne résistent que dans la complaisance gratuite et le voyeurisme crétin qui ne feront que davantage desservir le genre. Le tout est saupoudré en plus par des tonnes de justifications narratives mystiques qui hanteront, par leur comique, longtemps les esprits, même les plus imperméables à ce type de délires. (Faut dire qu'elle en tient une couche l'actrice qui... enfin vous voyez
)
Vulgaire au possible, encore plus opportuniste que celui de
Frontière(s), qui lui, dans son inanité neuneu arrive à être encore sympathique, le propos de Laugier se complait dans sa propre redondance, comme si les limites de son histoire étaient apparues dans les cinq minutes qui avaient suivi la toute première idée de le faire. Impossible de ne pas se demander même si Laugier ne s'est pas contenté d'un joli paragraphe sur une feuille blanche, pensant développer la chose plus tard pendant le tournage, en se parant d'une aura style "si moi je comprends pas ce que je filme, les spectateurs me le diront". Et bien oui, ils vous diront que le film est inconfortable, mais pour rien du tout et surtout que c'est cher payé la vanité d'un auteur qui ne semble qu'à moitié alerté sur ses doutes très gênants qui pétaradent de toutes parts dans son métrage, tel un festival. Du coup, je me dis que
Martyrs recycle de lui-même (consciemment en plus et c'est impardonnable) tous les clichés qui font que le genre rebute certaines personnes, et non seulement il conforte ces personnes dans l'idée que le genre ne porte nulle part, mais en plus il leur promet que cela ne changera pas à l'avenir. Bêtement violent mais on tentera donc de se faire pardonner, par la caution intellectuelle (ben oui, il faudrait pas qu'on pense qu'on a juste voulu montrer des filles souffrir pour le plaisir, de vraies têtes brûlées l'auraient assumé à la limite !) on y met autour des éléments religieux, oui parce que la religion les gens aiment, même ceux qui n'y adhèrent pas, et oui ça titille quelque chose au fond de nous tous. Même si pour ça il faut tomber dans la caricature sectaire des plus faciles, et en tant que réalisateur on pourra s'excuser de la connerie de son film en expliquant que ce genre de délires existe pour de vrai, gna gna...
Sans parler de la place du corps dans le film, de sa place dans la religion, le fait de le séparer toujours de ses émotions (de sa lumière je dirais, ha), de la vision de la société sur le corps humain... A moins d'avoir treize ans, je ne vois pas qui ça peut faire frissonner, d'autant plus que Laugier a enfilé ses gros sabots et ne développe jamais cette idée de départ. Au moins, il aurait pu s'y tenir avec un propos plus adulte.
Triste façon donc de démarrer une œuvre, en se cachant derrière son attachement au dit-genre également. Laugier tombe non seulement dans l'excès abruti mais dans la caricature du genre. Et c'est peut-être ça qui fait le plus mal, bien plus que le calvaire (ah) des personnages, très jolies au demeurant (les geeks ont dû avoir des pollutions en salles obscures
) , même en mauvais état.
Si le choc est réel en salle, je crois franchement qu'il n'a pas duré plus de cinq minutes pour ma part, tant le film ne va pas plus loin que ses images désincarnées (si seulement Laugier se permettait de développer ses idées, avec deux ou trois bien travaillées on aurait pu remplir le film de manière plus honnête, débarassé de toutes les pistes sectaires par exemple). Pire, cette violence dévitalise de leur impact les émotions puisqu'on sait, on sent que ce qu'on est en train de regarder, c'est l'énième velléité déplacée d'un fanboy en partance directe pour la provocation gratuite. Celle qui ne provoque que les offusqués d'avance, celle qui ne fait pas changer les choses, celle qui conforte chacun sur ses positions. Et ça je peux tout à fait comprendre que c'est très tentant, de rentrer dans le lard des spectateurs. Pour un auteur de genre c'est un vrai challenge, de tenter d'agripper plus que de coutume les spectateurs. Malheureusement il faut un certain talent pour ce type de provocation et mieux vaudrait s'abstenir de manger plus que ne peut contenir son ventre (c'est vrai pour Laugier comme pour d'autres). Ce talent de provocateur demande étrangement une certaine humilité vis-à-vis de ce qu'on filme, sinon la provocation n'interpellera que quelques bigots qui veulent interdire tous les films qui ne leur conviennent pas moralement.
Une très sincère déception.
0/6