CITATION(Lurdo @ 01 9 2007 - 19:14)
Dans le dernier Cine Live, une critique incendiaire de Sicko, de Michael Moore, qui t'explique que toute la première partie est efficace, mais que dès qu'on aborde le sujet de la sécu en France, ça devient du n'importe quoi pas du tout représentatif, que c'est de la manipulation et de la désinformation pure et simple, et que ça jette l'opprobe sur tout l'oeuvre de Moore, qui n'est peut-être pas si objective que ça, etc... (laule, il était temps de s'en apercevoir)
Alors dans l'absolu, pourquoi pas, je n'ai pas vu Sicko, mais en soi, ça se tient, Moore n'a jamais été à l'bri de manipulations de l'image ou du contenu dans ses docus. On se demande juste pourquoi tant d'animosité envers Moore, genre il a violé le chat du journaliste.
Et puis quand on lit l'interview de Moore quelques pages plus loin, faite par une différente journaliste, mais ayant clairement assisté à la même projo presse que son collègue, et partageant encore plus clairement son avis sur le film, on commence à se dire qu'ils ont un problème vis à vis de Moore, à la rédac de CL: c'est limite si la journaliste ne passe pas plus de temps à décrire le nombre de sucreries que Moore s'enfile pendant l'interview ("Han, il bouffe des M&Ms, trop dégueux, et pas respectueux du travail de journalisme")que de tenter de comprendre les réponses de Moore aux problèmes qu'elle a avec le film. Par exemple, quand la journaleuse proteste en disant que le couple de bobos qui gagne 8000€/mois, choisis par Moore pour représenter la Classe moyenne fr, est tout sauf représentatif, Moore répond qu'il les a choisis parce que niveau revenus, ça correspondait à la Middle Class US, et que c'est une comparaison qui est sensée parler d'abord aux ricains: une réponse sensée, une démarche à priori cohérente... mais une journaliste qui préfère se bloquer dans des remarques mesquines entre parenthèses, du genre "ça y est, il attaque son troisième paquet de XXX en me fusillant du regard d'un air arrogant derrière ses petites lunettes: il veut la guerre, il va l'avoir, ce gros porc méprisant!"
Déjà qu'en temps normal, CL, ce n'est pas non plus le summum du journalisme ciné...
Tout ce que tu rapportes là suit le consensus adopté par la critique française depuis la projo du film à Cannes.
Et le plus drôle, c'est que le film lui-même contient la réponse à ce blocage des français : lors d'une séquence à Paris, Michael Moore s'entretient avec un groupe d'américains vivant en France, et ces derniers lui déroulent la liste des avantages hal-lu-ci-nants dont bénéficient les français ("hallucinants" pour un public américain s'entend). Une des américaines rajoute "
Très jeune, je peux bénéficier ici de choses pour lesquelles mes parents ont du lutter toute leur vie et sans même y accéder pleinement. Quelque part c'est injuste.". En bref, c'est dix minutes durant lesquelles on nous martèle que les français ont de la chance, énormément de chance, de vivre dans un pays qui prend autant soin d'eux et de leur famille. Sauf que durant cet échange, tous ces américains finissent par s'écrier en choeur :
"
Et le pire c'est qu'ils ne sont jamais contents !"
Donc oui, Moore se concentre sur des détails dont il grossit le trait, parce que c'est un mec qui vise à l'effet comique et choc. Les français pourront toujours lui rétorquer que "
attends, c'est n'importe quoi, en France le gouvernement n'envoie pas des femmes pour faire la lessive chez toi qand t'es une jeune mère". Mais si, les assistantes maternelles, ça existe bien dans notre pays. "
attends, c'est du délire, on n'a pas des Starsky et Hutch qui foncent en ville pour nous secourir dès qu'on a mal au bide". Mais si, SOS Médecins, ça existe bel et bien. "
attends mais elle ment la meuf quand elle dit qu'elle a jamais attendu plus de 45 mn aux urgences. Moi une fois j'ai du poireauter 55 mn. C'est de la désinformation". "
Ha la la mais n'importe quoi ! Un couple avec deux enfants qui gagne 6000 euros par mois ? Mais c'est la haute bourgeoisie ça, une lignée royale, une famille de ministres, certainement pas un couple de la middle-class". "
Rhooo, le manipulateur ! Il te filme des couples en train de s'embrasser dans les parcs. Mais jamais de la vie, au jardin des Tuileries, tu verras des gens pique-niquer sur l'herbe et s'embrasser. C'est de la SF, de la propagande."
Ce quart-d'heure de Sicko, je le trouve très instructif. En mettant en évidence nos avantages sous le regard d'un candide (rôle que se force à jouer Moore, qui connaissait déjà ce système français on s'en doute) il ne fait que révéler à quel point on n'a pas envie de connaître notre chance pour pouvoir continuer à râler perpétuellement, comme de bons français. L'image qu'ont de nous les étangers n'est pas forcément un stéréotype.
PS : je passe sur les commentaires affligeants que tu as reproduits. Les plumes de Closer et de Voici ont semble-t-il envahi la presse cinéma. Les binoclardes grassouillettes en début de cycle et les impuissants couverts de pellicule vont pouvoir se la donner et "se faire" quelques célébrités, en s'attribuant le beau rôle, à coups de commentaires rajoutés après entretien... entretiens où ils se seront fait humilier la gueule mais ça le lecteur n'en saura jamais rien. C'est consternant