je pars d'un quote de proscopus mais en fait je réponds à proscopus et vrgael.
CITATION
C'est vraiment une idée personnelle mais il me semble que les films peuvent se diviser en deux catégories, viscéral ou cérébral. Sans être forcément indissociables ces deux types me semblent donner une direction à un film, qui tendera plus d'un côté ou de l'autre. Après certains films peuvent jouer sur les deux tableaux, certains directeurs passant de l'un à l'autre, et d'autres films peuvent rester neutres, comme de nombreux films d'actions américains ou le flot de comédies françaises régressives qui nous assaillent. Je trouve que Peckinpah et Godard représentent vraiment ces deux aspects opposés.
Justement, pour moi, le ralenti n'a rien à voir avec un cinéma "viscéral".
Qu'y a t-il de plus chichiteux, de plus affecté que le ralenti ?
Du cinéma viscéral, c'est Fuller quand il réalise
Le port de la drogue par exemple. C'est concis, nerveux et violent. Ca va à l'essentiel.
Le ralenti déréalise la violence comme le dit vrgael.
Le fait de souligner les effets "néfastes" de la violence avec le ralenti est un procédé que je trouve donc très casse-gueule car on a tôt fait de tomber dans la complaisance, la facilité et le racolage.
Complaisance: le ralentit étire l'action donc la séquence ralentie se voit conférer une importance particulière au sein du métrage. On s'attarde dessus.
Facilité: quoi de plus trivial comme travail de mise en scène que de montrer l'horreur de la violence au spectateur en étirant artificiellement les séquences de déchiquetage par les balles ?
Tu parles d'ailleurs de la séquence du café dans
Règlements de compte. Seulement, l'idée de Fritz Lang d'utiliser un accessoire aussi peu banal qu'une tasse de café pour montrer la violence du personnage de Lee Marvin me paraît à la fois originale et simplissime donc ultra-pertinente. C'est donc une idée de mise en scène véritablement géniale qui m'impressione plus que les ralentis faciles de Peckinpah. Pour le coup, Lang réalise une séquence que je qualifierais de "viscérale" car elle montre frontalement la violence sans passer par le prisme déréalisant du maniérisme. C'est pareil avec la séquence de la baston dans le métro dans
Le port de la drogue. Un plan génial suffit à faire ressentir l'incroyable violence de la séquence: celui d'un mec entrain de dévaler les escaliers sur le menton. Pas besoin d'effet sanguinolent...
Racolage: comme tu le dis, on a TOUS une fascination plus ou moins grande pour la violence. C'est donc facile d'attirer du monde dans les salles en faisant appel aux pulsions primaires de chacun avec la surenchère en guise de ligne directrice artistique. ça l'est beaucoup moins de tenir un discours pertinent sur la violence (ce qui est cependant, je te rassure, le cas de Peckinpah à mon avis).
Cela dit, je précise deux choses. Premièrement, je reste convaincu qu'il n'y a de pas de figure de style fondamentalement mauvaise au cinéma, juste des procédés plus ou moins délicats à manipuler. Ainsi,
Il était une fois en Amérique reste un de mes films préférés et la séquence du meurtre de Dominic me bouleverse alors que c'est une séquence filmée...au ralenti. Mais le ralenti ne sert pas ici surligner le déchiquetage de la chair. Au contraire, Leone est pleinement conscient du caractère déréalisant du procédé et la suspension du temps (grâce au ralenti) ainsi que la musique implacable et douloureuse de Morricone permettent de faire sentir au spectateur que l'évènement montré dans cette séquence va avoir un rôle déterminant dans le destin tragique de Noodles. Ainsi, paradoxalement, je n'ai jamais été aussi ému que devant cette séquence aussi peu "viscérale".
Deuxièmement, selon moi le cinéma de Peckinpah vaut bien plus que ses ralentis, et j'aime beaucoup
Croix de fer,
Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia et
Les chiens de paille .